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29 novembre 2020 7 29 /11 /novembre /2020 14:04

 

Reconfinement : J31

 

 

Hier samedi, le département des Pyrénées-Orientales était en alerte orange pour des risques de fortes pluies et inondations. Même si les "petits" commerces dits aussi commerces "non-essentiels" (hors bars et restaurants) ont eu le droit de rouvrir après plusieurs semaines de fermeture imposée pour cause de confinement, le temps gris n'incitait pas à la promenade et aux emplettes, au magasinage comme on dit au Québec. Le soir, alors que la pluie tombait de nouveau dès que le jour fit place à l'obscurité, je me laissai aller à regarder la télé sans aucun autre but que de passer d'une chaîne à l'autre jusqu'à ce que commence un épisode inédit de Mongeville (réalisé par Denis Malleval), juge d'instruction à la retraite interprété par Francis Perrin, qui enquête sur le meurtre d'une actrice perpétré en pleine répétition publique de Tartuffe dans un théâtre de Lyon (ou supposé être à Lyon). La veille, France Télévisions avait proposé aux téléspectateurs Les Fourberies de Scapin dans une mise en scène de 2017 à la Comédie Française ; nous restions donc pour deux soirées dans le répertoire de Molière. Francis Perrin, qui a très souvent au cours de sa longue carrière, interprété des personnages créés par le dramaturge né dans une maison (démolie en 1802) située au 96 de la rue Saint-Honoré et décédé, non sur la scène du Malade imaginaire qu'il jouait en ce soir de février 1673, mais au n° 40 de la rue de Richelieu. Francis Perrin qui a joué dans une série télévisée réalisée par Michel Wyn en 1981 intitulée Le Mythomane est époustouflant en juge à qui on demande de remplacer au pied levé une actrice qui doit un moment s'absenter pour dire quelques vers du Tartuffe, faisant d'abord semblant d'être malhabile dans son habit du 17ème siècle et dans sa diction, puis prenant son rôle à coeur au point d'être applaudi unanimement par celles et ceux qui assistent à la répétition. Ce Francis Perrin qui comme je l'ai déjà dit a tant de fois joué dans des pièces de Molière. Maladroit, malhabile, buttant même sur certains mots, on y croyait car il était aussi magnifique en apprenti acteur qu'il l'était deux minutes auparavant en juge d'instruction.

Mais le temps passe vite et il faut déjà quitter Lyon pour le Cap d'Antibes, France 5 proposant un documentaire sur les séjours de Picasso, Eluard, Man Ray, Roland Penrose, Dora Maar, Nusch... sur la Côte d'Azur entre 1937 et 1939. Sur la National 7, l'Hispano Suiza de Picasso conduite par son chauffeur (le peintre n'ayant pas de permis de conduire) roule en direction du Midi via le Palais idéal du facteur Cheval dans la Drôme, admiré par nos célèbres touristes le 31 juillet 1937 avant de filer vers Mougins et de prendre pension à l'hôtel Vaste Horizon durant plusieurs semaines. Les journées se passent principalement sur la plage de la Garoupe entre Juan-les-Pins et Antibes, dans des restaurants et des terrasses baignées de soleil abritées par des cannisses qui apportaient un peu de fraîcheur. De nombreux extraits des films tournés par Man Ray durant ses jours heureux d'avant-guerre avaient été présentés au musée Picasso de Barcelone dans une exposition intitulée Pablo Picasso Paul Eluard une amitié sublime entre novembre 2019 et mars 2020, juste avant les confinements qui allaient ralentir la bonne marche des musées et galeries d'art de France et de Catalogne. En attendant de quitter deux mil Vain pour 2021, espérons que Francis Perrin au théâtre et Pablo Picasso et Paul Eluard continueront de nous faire rêver en vers et en couleurs.

 

               

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26 novembre 2020 4 26 /11 /novembre /2020 14:54

 

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La nuit était déjà fort avancée quand le citoyen Corentin fut autorisé à quitter la ci-devant église Saint-Nicolas-des-Champs après s'être entretenu avec ses commanditaires. Il rentra seul (épisode non conté par Pierre Michon et provenant donc uniquement de ma fertile imagination), les sans-culottes n'ayant pas reçu ordre de l'escorter jusqu'à son appartement sis dans l'un des hôtels particuliers de la rue des Haudriettes. Par des rues sûres et bien éclairées (*), il chemina selon un itinéraire différent de celui qu'il avait emprunté avec les soldats. Il avait tout le restant de la nuit pour lui. Marcher, par une température en dessous de zéro, lui ferait du bien, le rassérénerait après cette entrevue éprouvante avec des interlocuteurs dont la lueur vacillante de quelques chandelles rendait leur visage grotesque et menaçant, dans la salle aménagée en bureau, désordonnée devrais-je dire, dans la ci-devant abside de la ci-devant église Saint-Nicolas-des-Champs et mettrait en place dans son esprit encore troublé de bonnes et claires idées pour l'élaboration du tableau qu'on venait de lui demander d'exécuter. Entendre des sans-culottes frapper à sa porte par une nuit de janvier 1794 ne pouvait que rendre nerveux et inquiet. [Je crus en lisant le livre de Michon qu'on venait pour l'arrêter, le jeter en prison voire pis que tout cela. En 1794, Paris ne vivait pas dans la sérénité.] Il se détourna du chemin le plus court, s'engagea dans la rue Greneta pour rejoindre la rue des Deux-Portes. Là, au coin avec la rue Saint-Sauveur, onze mois auparavant, était décédé dans la misère, le dramaturge Carlo Goldoni, qu'en  France on surnommait le "Molière italien".  Pensionné sous l'Ancien régime, la Révolution - qui n'avait pas besoin de drames - lui avait supprimé tous subsides. Le trépas de l'auteur empêcha la Convention de rétablir ce dommage. Il voulait rendre hommage, en silence, à celui dont il avait vu jouer les pièces dans différents théâtres parisiens et qui l'avait beaucoup amusé. Mais en cette nuit de janvier 1794 - pardon de nivôse an II de la République -, il n'était pas question de prendre un quelconque risque, se laisser aller à quelque nostalgie que ce soit, glorifier le passé, dire que c'était mieux avant, encore moins de se signer, même discrètement, sous les fenêtres de l'ancien logis de l'écrivain italien.

    

L'année qui s'était achevée il y a quelques jours avait été éprouvante. Qu'il était dur d'avoir vingt ans en 1793 ! Et cette année qui commençait ne serait pas meilleure. Bonne année, bonne santé ne faisait pas partie des formules de politesse prononcées avec entrain par les Français, le bon mois de nivôse méritant plus l'appellation de mois des névroses. Il y a un an, la Convention avait voté la mort du roi, suivie de son exécution trois jours plus tard. [J'ai encore en tête la réflexion d'un de mes professeurs d'anglais (qui d'ailleurs était écossais) qui affirma, un jour en cours, que la différence entre les Français et les Anglais résidait dans le fait que les Français n'avait pas regretté le roi alors que les Anglais avaient pleuré le leur au lendemain de l'exécution de Charles Ier, un matin de janvier 1649.] A la suite de cette exécution, toute l'Europe s'était coalisée contre la France régicide : guerres déclarées par l'Angleterre, la Hollande (comprenant l'actuelle Belgique), l'Autriche ; début des guerres de Vendée. A Lyon, la municipalité aux mains des Girondins et des royalistes, était entrée en rébellion sous la direction de Joseph Chalier (exécuté en juillet). La Convention fera encercler la ville pour la faire entrer dans le rang. Lors de la rédaction de ma biographie de Couthon, j'avais été marqué par ces événements qui avaient amené la Convention à dépêcher l'ami de Robespierre sur place malgré ses difficultés à se déplacer. (La Convention enverra aussi des troupes pour mater les adversaires de la Révolution à Marseille, Nîmes et Toulouse.) On m'apporta à ce sujet un "Rapport sur le siège de Lyon" rédigé par le conventionnel Georges Couthon (que l'on peut maintenant lire sur le site internet de la Bibliothèque nationale de France). Je prends toujours plaisir à lire le français dans le texte, c'est-à-dire lire des écrits rédigés avec l'orthographe d'une l'époque où il n'y avait de "t" final ni à département, ni à règlement, ni à enfant. Dans ledit rapport rédigé par Couthon, je lus : "Depuis long-temps la Convention nationale s'étonnoit, avec raison, de ce que le fiège de Lyon duroit encore ; elle s'étonnoit de ce que tantôt on lui mandoit que les rebelles allaient être réduits, tantôt qu'en comparant leurs forces aux nôtres & considérant la fituation de la ville qui, fortifiée (...) sembloit défier l'armée la plus formidable..." Lyon, promise à la destruction la plus complète, ne verra "que" cinquante de ses maisons mises à bas - sur les bords de Saône - et verra son nom se changer en Ville Affranchie. Au même moment, la ci-devant reine Marie-Antoinette était condamnée à mort et guillotinée. Celle qu'on appelait avec dédain la veuve Capet, avec mépris l'Autrichienne, celle que l'on avait discriminée pour son accent et sur qui on avait jeté l'opprobre en la mêlant à une histoire savamment placée en dessous de la ceinture, avait rejoint son époux dans un charnier déjà bien rempli. 

Tandis que Corentin se mettrait devant une toile de 4,30 mètres sur 3 encore immaculée pour commettre ou exécuter le portrait des onze membres du Comité de salut public, l'année 1794 ne serait pas plus tranquille que la précédente. Seront guillotinés Fabre d'Eglantine - la Révolution n'avait pas besoin de chanteurs de variétés -, André Chénier - la Révolution n'avait pas besoin de poètes -, Antoine Lavoisier - la Révolution n'avait pas besoin de savants. Guillotinés aussi Robespierre - ce qui sauva une cathédrale Notre-Dame de Paris mise en adjudication et promise à la démolition - et Georges Couthon, fils de notaire, lui-même avocat, député du Puy-de-Dôme, conventionnel, membre du Comité de salut public et, accessoirement, auteur d'une comédie en deux actes, L'Aristocrate converti. Une avenue porte son nom à Clermont-Ferrand, tout comme une rue à Orcet sa ville natale, une autre à Chamalières.

 

J'apportai alors la dernière touche à mon exposé biographique sur Georges Couthon avant un rendu final sur le bureau du professeur d'histoire. Alea jacta est. Les heures passées à la Bibliothèque historique m'avaient plongé dans une atmosphère placide qui me permettait de mettre sous cloche et la seconde et le prof. Je travaillais pour moi, non pour quémander une note acceptable puis parader devant les copains. Je n'étais pas dans la compétition malsaine mais dans le désir de me détacher du cours traditionnel, magistral, avec l'envie de sortir du peu que je savais, - même si je n'en sais pas beaucoup plus maintenant -, marcher hors des enseignements rebattus. Il y avait dans cet exposé des oublis, des inexactitudes, des pensées mal comprises, mal interprétées, peut-être, et ce n'était pas le plus important, des fautes d'orthographe, mais un désir de mieux connaître ce personnage qui ne faisait que trois lignes dans le Larousse, son époque de guerre civile, qui fut ce qu'elle fut, sans blâmer ce 18ème siècle siècle que je n'avais pas connu et pour lequel je devais me réjouir de n'en avoir pas été. Quelle époque épique cependant ! Qui avait raison, qui avait tort en 1794 ? Comme l'a dit Carmontelle : "Si j'avais la main pleine de vérités, je me garderais bien de l'ouvrir." Je sortis de la Bibliothèque historique avec deux copies doubles noircies à l'encre saline et marchai par les rues du Marais chargées de brume, ma silhouette se confondant avec celles des passants qui ne faisaient que passer en cette fin de journée de janvier 1977.    

 

FIN                                    

 

 

(*) En 1789, Paris comptait 950 rues éclairées par 6 223 réverbères à huile qui avaient remplacé, en 1744, les lanternes à chandelle. Chiffres cités dans Paris en 1789 par Albert Babbeau (1889) réédité chez Christine Bonneton en 1989. En était-il de même en ce début d'année 1794 ?

 

   

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24 novembre 2020 2 24 /11 /novembre /2020 08:35

 

 

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Georges Couthon (1755-1794) n'occupait que trois lignes dans le dictionnaire Larousse en dix volumes qui garnissait l'étagère supérieure de la bibliothèque du salon. Insuffisant pour noircir deux copies doubles, huit pages, deux cent quarante lignes. Je devais trouver de la matière, du solide, du lourd, aller à la pêche aux informations, piocher çà et là dans les biographies, traquer l'inédit. Pour cela, il me fallait trouver un gisement, une mine, des matières premières inépuisables puis construire un chevalement assez haut capable de faire monter le plus de renseignements, de faits et d'anecdotes possibles. La rivière, la cascade, le torrent dont j'avais besoin pour dénicher toutes ces découvertes, je les trouvais dans les ouvrages que je consultai à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Je ne sais plus qui m'en donna l'adresse mais elle fut mon antre durant plusieurs fins de semaine. Je m'y sentais à l'aise, comme dans un cocon, entouré que j'étais d'ouvrages rares et précieux que je pouvais tirer des rayonnages ou commander auprès des bibliothécaires après avoir consulté, savamment classées dans de multiples petits tiroirs, des fiches manuscrites qui indiquaient les titres et le thème des ouvrages, leurs auteurs, la date de parution, etc. Dans la salle de lecture de la dite bibliothèque, je me sentais à l'abri. Rien n'aurait pu m'arriver, protégé que j'étais par le rempart que constituaient les rayonnages garnis des dizaines de livres précieux. Le silence, le calme, la sérénité du lieu m'enveloppaient et rien n'aurait pu venir perturber mon envie de tout savoir (ou presque) sur Georges Couthon. Je consultais des livres à disposition sur les étagères qui m'entouraient dans l'attente de ceux que j'avais commandés auprès des bibliothécaires qu'ils allaient chercher dans les archives. Souvent, on m'apportais des ouvrages qui avaient été imprimés à l'époque de la Révolution, parfois pas plus grands qu'un téléphone portable. 

La salle de lecture se trouvait (se trouve encore) à l'entresol du corps principal de l'hôtel de Lamoignon, 24 rue Pavée, un des plus vieux hôtels de Paris - même si il a subi des modifications aux 17 et 18èmes siècles - aisément reconnaissable à l'encorbellement à l'angle de la rue des Francs-Bourgeois. L'hôtel particulier fut, à la fin du 18ème, découpé en commerces et appartements. Alphonse Daudet y vécut durant une dizaine d'années. La Bibliothèque historique de la Ville de Paris y est installée depuis les années 1960. La salle de lecture avait un beau plafond à la française que je n'eus pas le loisir de détailler. Couthon passait avant tout. 

La Révolution française est une planche savonnée, une période casse-gueule. Il me fallait écrire une biographie objective, sans parti pris, planter un décor lisse mais pas trop et y faire jouer des personnages que je ne devais ni aimer ni détester. Quand un livre paraît en librairie (sur la Révolution ou tout autre sujet historique), il a des dizaines voire des centaines de lecteurs. Mon exposé n'en aurait qu'un seul : le prof. Et il fallait ménager ses susceptibilités. Je ne sais plus que ce que j'ai écrit au long des deux copies doubles, huit pages, deux cent quarante lignes, devoir pour lequel le prof mit la note de 14/20, ne l'ayant conservé dans aucun quelconque classeur ou autre bazar aux souvenirs, l'année scolaire suivante rayant d'un trait de plume la précédente. Le bac approchait, ce serait dans deux ans. A seize ans, on croque la vie, on se moque du temps qui passe, on apprend, on découvre, on observe, on s'interroge, on court vers l'avenir - on a pas le choix -, on ne sait pas de quoi il sera fait, ce n'est pas grave, de toute façon le bac on est content quand on le décroche, après ça n'a plus d'importance, c'est la suite qui compte, la sélection en fac, les diplômes réussis, l'emploi obtenu. A seize ans, c'était en 1977, mon voisin de table chantonnait "Daddy cool" bien qu'il ne comprenait rien aux paroles, celui derrière moi chantonnait "Le Loir et Cher". A chacun son succès du moment. D'autres préféraient Jean-Michel Jarre et son "Oxygène". Le prof de latin nous emmenait de temps en temps au Centre Georges Pompidou qui venait d'être inauguré sous le feu des critiques et des applaudissements. La capitale se transformait : Beaubourg et son Quartier de l'horloge, les Halles qui n'étaient encore qu'un trou qui avait englouti le travail de Baltard et quelques rues environnantes telle la rue Pirouette, le quartier Montparnasse qui avait érigé sa tour, La Défense qui érigeait les siennes. 

Dans ce Paris qui se transformait, je travaillais sur Couthon à la Bibliothèque historique de la rue Pavée. Je n'aurai, au cours de mes consultations d'ouvrages sur ce personnage (presque) oublié de la Révolution, pas la chance de voir son visage, ses traits, pas la chance de le voir parmi les onze membres du Comité de salut public sur une quelconque reproduction du tableau intitulé Les Onze peint par François-Elie Corentin. Pour voir le seul objet qui avait appartenu à l'homme politique guillotiné en 1794, je n'avais qu'à traverser la rue et, au musée Carnavalet, voir le fauteuil roulant qu'il utilisait après avoir perdu dans sa jeunesse l'usage de ses jambes. Ce fauteuil, fait d'un siège époque Louis XVI auquel on avait ajouté un repose pieds, le tout monté sur trois roues, deux grandes à l'avant, une petite à l'arrière, lui permettait de se déplacer et d'assister aux séances de la Convention. Ce siège fut donné au dit musée à la fin du 19ème siècle par les arrière-petites-filles de l'homme politique. Le seul objet donc qui me serait donné de voir et qui m'aiderait à comprendre le personnage : Couthon, homme politique, avocat, député et conventionnel. 

     

 

                         

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23 novembre 2020 1 23 /11 /novembre /2020 15:07

 

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J'eus beau avoir feuilleté à la bibliothèque municipale plusieurs livres d'art, ouvrages abondamment illustrés consacrés à la peinture française de la seconde moitié du 18ème siècle, je ne vis, page après page, ni mention d'un quelconque Corentin, peintre, ni reproduction d'un tableau intitulé Les Onze. Ce tableau, le Comité de salut public l'avait pourtant commandé à un peintre qui répondait au nom de citoyen Corentin au début de l'année 1794, un soir des premiers jours du mois de janvier que le calendrier républicain appelait dorénavant nivôse. Des sans-culottes insuffisamment vêtus pour affronter le frimas qui transformait les rues de Paris en galeries souterraines où se répandait l'écho des hurlements de chiens affamés, avaient frappé prestement à la porte du domicile du dit citoyen Corentin pour le mener par la neige et la boue jusqu'à un lieu fantomatique et mal chauffé.

 

Le citoyen Corentin vivait, dit-on, dans un hôtel de la rue des Haudriettes. A la bibliothèque municipale, je consulte un dictionnaire des rues de Paris afin de situer la dite rue au coeur de ce quartier du Marais qui a beaucoup changé depuis les années 1790. H, Hallé, Harlay, Haudriettes. L'auteur du dictionnaire y mentionne plusieurs hôtels construits aux 16è et 17è siècles mais ne parle pas d'un peintre qui aurait vécu dans l'un d'entre eux. Par contre, il précise que l'Hospice des Haudriettes auquel la rue doit son nom, fut fondé au 14ème siècle non loin de là par un certain Etienne Haudri afin de venir en aide à des veuves pauvres.

Le chemin était long entre le domicile du citoyen Corentin et le lieu où les sans-culottes transis devaient le mener. Ce chemin passait devant l'hôtel d'Hallwyll (rue Michel-le-Comte), lieu de naissance de la fille de Necker, future Madame de Staël, bâtiment d'une grande sobriété, construit selon les plans de Claude-Nicolas Ledoux, architecte en vogue sous le règne de Louis XVI, et artisan des pavillons d'octroi qui autour du mur murant Paris qui rendit Paris murmurant, donnaient accès à la capitale et dont quelques exemplaires sont encore visibles de nos jours. Puis le cortège laissa à main gauche la rue aux Ours où bien sûr aucun animal des régions polaires n'aurait barré la route aux sans-culottes prudemment armés. L'épaisse fourrure des mammifères aurait cependant été appréciée par cette soldatesque mal habillée et mal rémunérée. Mais le nom de cette voie qui existait déjà au 13ème siècle provient étrangement de la déformation du mot "oie" même si elle était à cette époque principalement habitée par des pelletiers. Après avoir laissé, toujours à main gauche, la rue du Grand-Hurleur et la rue Greneta, nos piétons, obligés de marcher à tâtons dans ce Paris de ce mois de janvier 1794, couvert de brume, de ce ciel épais qui ne laisse à la lune aucune chance de tracer le sillon blanchâtre qui leur aurait permis de tenir le haut du pavé sans crotter ce qui leur servait de souliers dans cette rue Saint-Martin qui les fit passer devant des édifices religieux désaffectés comme l'était l'église Saint-Nicolas-des-Champs, destination de la déambulation à laquelle avait été conviée - de force ? - le citoyen Corentin, peintre de son état. L'église Saint-Nicolas-des-Champs, contemporaine de la cathédrale Notre-Dame, n'était plus, en cette nuit noire et glaciale post prise de la Bastille, que l'ombre de son ombre. L'édifice, fermé au culte depuis quelques mois, servait à présent d'écurie, de grenier à blé, de lieu de beuverie. L'heure n'étant pas à la visite touristique, encore moins au recueillement, le citoyen Corentin ne put par cette nuit enveloppée de brume, admirer "Saint-Nicolas apaisant la tempête" de son illustre confrère dans le monde de la palette et du pinceau Jean-Baptiste Pierre (décédé en mai 1789) et voir la pierre tombale de son prédécesseur, le peintre François Milé, inhumé là cent treize ans auparavant. 

 

Bien que ce tableau fut bel et bien commandé au cours de cette soirée de janvier (nivôse) 1794 par le Comité de salut public et exécuté par un peintre qui répondait au nom de citoyen Corentin, je ne trouve aucune trace de cette oeuvre intitulée Les Onze qui représente les onze membres du dit Comité. Dommage ! Car j'aurais enfin pu voir la (vraie) tête qu'avait le citoyen Georges Couthon qui me fit transpirer eau et émotions alors qu'en classe de seconde je dus effectuer un travail de recherches concernant le dit citoyen Couthon. C'était en janvier 1977. Je ne sais plus si il neigeait comme en 1794, mais un mauvais rhume m'avait obligé à garder le lit tandis que mes camarades de classe regagnaient le lycée après des vacances de fin d'année riches en cadeaux et matières grasses. A mon retour, j'appris que le professeur d'histoire avait demandé à chaque élève de rédiger sur deux copies doubles un devoir sur un protagoniste des événements qui ont marqué la France des vingt dernières années du 18ème siècle. Il va sans dire que les camarades présents en classe durant la première semaine de ce mois de janvier 1977 avaient choisi les gros poissons, Robespierre, Danton, Marat... alors que je dus après ce congé pris indépendamment de ma bonne volonté me contenter du menu fretin. Le professeur d'histoire me dit crânement que Couthon était encore disponible. Va pour Couthon !        

                                  

    

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22 novembre 2020 7 22 /11 /novembre /2020 15:04

 

Je lis Les Onze de Pierre Michon (*), Grand prix du roman de l'Académie française. Les Onze ou l'histoire d'une commande destinée à faire trépasser les membres du Comité de salut public à la postérité, payée rubis sur l'ongle en pièces d'or à un peintre reconnu, ancien élève de Jacques-Louis David, contemporain de Hubert Robert et natif du Centre-Val de Loire entre Montargis et Orléans.

 

Ce tableau de 4,30 mètres sur 3, ne le cherchez pas au Louvre. Ni dans une des nombreuses salles du deuxième étage de la Cour Carrée en lieu et place de la tour de la Taillerie qui, sous Philippe-Auguste, était une des dix tours qui s'élevaient autour de l'enceinte rectangulaire du Louvre primitif, ni dans la Grande Galerie - qui longe la Seine jusqu'au Pavillon de Flore -, commencée sous Catherine de Médicis et à laquelle le bon roy Henri IV crut apporter sa touche finale. Dans la Cour Carrée, cette toile signée d'un peintre moins connu que Fragonard ou Delacroix, n'attirerait pas l'attention des visiteurs qui ignoreraient Les Onze, n'ayant d'yeux que pour le portrait de Louis XIV en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud, les traits de caractère de Jacques-Bénigne Bossuet évêque de Meaux ou le visage de profil et de trois-quarts de la propre mère du peintre perpignanais, coiffée à la catalane. N'escaladez pas non plus prestement les marches de l'escalier qui au pied de la Victoire de Samothrace mène aux salles des grands formats de la peinture française du 19ème siècle et de là vers cet espace devenu exigu tant les visiteurs des cinq continents s'y pressent l'appareil photographique perché sur des centaines de bras tendus, qu'observe avec un sourire non dissimulé et célèbre dans le monde entier l'épouse d'un certain Giocondo de Florence, dont on ne sait pas si elle s'amuse du spectacle donné par ces centaines de paires d'yeux levés, non vers son doux visage sinon vers le plafond comme se lèvent les yeux en direction des avions à réaction à leur bruyant survol, ces yeux-là qui ne la regardent qu'à travers l'écran de leur téléphone qu'il soit "aïe" ou "smart", ou si elle pense, le triomphe modeste, aux Noces de Cana de Véronèse, fresque grandiose qui couvre le fond de la salle avec ses cent trente personnages qui se sentent bien délaissés par la multitude des globe-trotters qui se sont échappés, il y a peu, des autobus grand tourisme (de masse) avec vitres panoramiques, sièges inclinables et water closet. La Joconde, sujet de toutes les attentions, de toutes les études, de tous les fantasmes, La Joconde que l'on jalouse, que l'on aimerait déposséder de sa beauté, que l'on aimerait posséder pour soi. Le vol de La Joconde en 1911 dont Guillaume Apollinaire fut soupçonné d'avoir été l'instigateur et plus récemment, en août 2009, cette tasse à thé jetée par une dame qui n'aimait ni la porcelaine ni l'albâtre du visage doux tant de fois admiré, venue se fracasser sur la vitre blindée qui protège désormais la toile en sont les preuves indécentes et grotesques.               

Ne cherchez donc pas au musée du Louvre le tableau de François-Elie Corentin intitulé Les Onze. Il n'est accroché à aucune cimaise de la Grande Galerie ou galerie du bord de l'eau, oeuvre de Louis Métézeau mutilée sous Napoléon III par, entre autres, l'ouverture de la porte des Lions, et qui devint dès 1608 un phalanstère d'artistes, peintres, sculpteurs, graveurs, ébénistes, prémices, peut-être, de ce qui deviendra le plus grand musée du monde à la fin du siècle dernier, musée ouvert au public en 1793 sous le nom de Muséum de la République puis en 1803 sous le nom de Musée Napoléon. Ne le cherchez pas dans cette Grande Galerie représentée en cours de restauration vers 1798 par Hubert Robert et par Victor Duval vers 1880, cette dernière toile montrant la Galerie dans toute sa richesse et présentant des tableaux qui s'élèvent jusqu'à la verrière qui éclaire de façon naturelle les oeuvres présentées. Le tableau de Corentin se cacherait-il dans les réserves d'un autre musée parisien ? Ne cherchez pas non plus ce tableau hors des frontières de l'hexagone, par exemple dans le plus ancien musée du monde, celui du Palais des Conservateurs à Rome, qui abrite depuis 1471, depuis presque cinq cent cinquante ans, des vases grecs, des statues, des tapisseries. Le tableau de Corentin serait-il en cours de restauration dans un atelier dont l'adresse est tenue secrète ? Des experts venus de différents pays qui l'examinent minutieusement, doutent peut-être de son authenticité. Le tableau serait-il un faux, une vulgaire copie, une pâle imitation d'une oeuvre qui aborde le même sujet, celui de la réunion des membres du Comité de salut public dans un ci-devant bâtiment conventuel, dans une salle de jeu de paume à l'abri des regards dans le quartier du Marais ou dans un café italien de la rive gauche. Peut-on attribuer l'oeuvre à François-Elie Corentin, élève de David, contemporain de Hubert Robert, natif du Centre-Val de Loire entre Montargis et Orléans ? Est-ce Corentin qui a peint Les Onze en 1794 en pleine Terreur, en pleine période de désordre et de confusion ?           

 

(*) Les Onze par Pierre Michon (Editions Verdier, 2009)

  

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19 novembre 2020 4 19 /11 /novembre /2020 10:47

 

Reconfinement : J21

 

 

Le reconfinement de l'automne ne ressemble pas au confinement du printemps. En journée, il y a plus de passants dans les rues, plus de gens qui se pressent au marché de plein-air du samedi, plus de circulation automobile, et le soir, pas d'éditions spéciales entièrement (ou quasi) consacrées au Coronavirus, pas de chaînes supplémentaires gratuites via la box pour occuper les longs moments à rester chez soi, pas de couvre-feu, pas de personnels soignants applaudis. Durant ce reconfinement interminable (aujourd'hui 21è jour, le précédent a duré 55 jours), je sors plus souvent de chez moi qu'au printemps, vais plus souvent faire de courses, après tout, l'attestation de déplacement dérogatoire, c'est facile à remplir, pas cher et ça rapporte les dix mille pas quotidiens nécessaires pour rester en bonne santé. Tout irait bien sous le soleil de brumaire qui brillerait sur des rues achalandées, si les commerces étaient ouverts, si il y avait quelque chose à acheter après avoir essayé la marchandise, trouvé chaussure à son pied, tourné les pages d'un ouvrage qui nous ferait un peu rêver, puis siroter à une terrasse avant de regagner un domicile douillet. Tout irait bien sous le soleil de brumaire si beaucoup ne se faisaient du souci pour leur avenir (proche, 2021 c'est demain), si beaucoup n'étaient privés de leur savoir-faire, si beaucoup pouvaient faire partager leur passion sans risquer au minimum 135 € d'amende. "Click & collect" c'est gentillet, c'est mieux que rien, un pis-aller pour ne pas se prendre une grande claque & se colleter avec de graves problèmes (financiers notamment). Accueillir et choyer la clientèle, c'est mieux. Pour le client aussi. C'est plus convivial d'entrer dans une boutique que de rester sur la pas de la porte. Aller dans un restaurant et entendre le serveur vous dire "attention l'assiette est très chaude", c'est tout de même mieux que de manger une formule entrée-plat-dessert à emporter, conditionnée dans des récipients en carton aussi délicieux que soient les plats. Certains rideaux de fer baissés risquent de l'être pour longtemps. Le 1er décembre semble loin. Il faudra avant d'y arriver, éprouver une mise au point ministérielle, une allocution élyséenne pour enfin tout savoir de notre avenir de confinés et de l'avenir du "Black Friday" 2020. Récente expression pour exprimer une fois par an le fait de faire flamber (ou exploser comme on dit maintenant) le chiffre d'affaires. Black est un mot facile à prononcer pour un Français. Les anglophones si agiles à faire twister leur langue n'auraient-ils pas dû appeler ce jour de bonne rentrée de recettes "Sold out Friday" ? Après tout je ne suis pas anglophone. Mais "out" se prononce "a-out" alors qu'un Français aurait dit "out". Et août fin novembre, ça ne se fait pas !  

 

Ce n'est pas le moment d'aller en escapade au-delà du Perthus. Je lis dans le journal local que 100% des véhicules sont contrôlés par les douaniers. Des nouvelles catalanes me parviennent cependant grâce à la tv. Avant-hier, a été détaillé le plan graduel qui va permettre aux commerces de recevoir de nouveau leur clientèle. Si le couvre-feu est maintenu jusqu'en 2021, les bars et restaurants pourront dès ce lundi 23 novembre, servir les clients à raison de 30% de leur capacité d'accueil. Cependant, ils devront fermer à 17 heures. (Cette annonce a immédiatement déclenché une bronca chez les professionnels de la restauration.) En ce qui concerne les cinémas et les théâtres, possibilité leur sera donnée de rouvrir à raison de 50% de leur capacité d'accueil. Les commerces non-essentiels (on utilise aussi ce qualificatif en Catalogne) devront restreindre la réception de leurs clients. Ensuite, et si et seulement si les chiffres sont meilleurs, les établissements seront autorisés - graduellement - à recevoir plus de personnes. A suivre...

Je quitte 3/24 pour TV5 Monde. Le journal de 19h30 de la télévision suisse romande nous informe qu'il y a plus de cas de Covid dans les cantons francophones que dans les cantons germanophones. Dans les cantons bilingues, la différence est nette et bien tracée entre la partie francophone et la partie germanophone. Dans le Valais par exemple. Un intervenant explique que cela vient peut-être de la proximité avec la France. Un autre dit que les francophones sont plus prompts à aller voir leur médecin dès qu'ils ne se sentent pas bien au contraire des germanophones qui attendent plus longtemps avant d'aller consulter. A suivre...

Et toujours ces rayons qui ensoleillent un brumaire éprouvant et des rues peu acheteuses. Jusqu'à quand ?

 

                            

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16 novembre 2020 1 16 /11 /novembre /2020 16:35

 

Jefferson, New Orleans et la vice-présidence (suite et fin)

 

 

De retour aux Etats-Unis après cinq ans d'ambassade à Paris, Thomas Jefferson devient en mars 1790 secrétaire d'Etat dans l'Administration Washington. Au sein du gouvernement, il s'oppose au secrétaire au Trésor Alexander Hamilton en matière de politique étrangère. Lui, le francophile ne peut être qu'en désaccord avec Hamilton l'anglophile. En politique intérieure aussi, les divergences entre les deux hommes sont nettes. Jefferson souhaite un pouvoir fédéral restreint, laissant aux Etats la quasi-totalité des pouvoirs de politique intérieure tandis qu'Hamilton veut un pouvoir fédéral fort. Lors de la présidentielle de 1796, le fédéraliste John Adams bat Jefferson qui devient vice-président. Quatre ans plus tard, Jefferson devient le 3ème président des Etats-Unis et prend ses fonctions en mars 1801. La cérémonie d'investiture se déroule pour la première fois à Washington, nouvelle capitale des Etats-Unis d'Amérique. 

 

Les Etats-Unis, sous la présidence de Jefferson, ne sont plus constitués que des seules treize colonies qui ont pris leur indépendance en 1776. Le Vermont est entré dans l'Union en tant qu'Etat en 1791, le Kentucky en 1792, le Tennessee en 1796 et l'Ohio entre dans l'Union en 1803. Le pays s'étend désormais jusqu'à la rive gauche du Mississippi. Mais l'embouchure du "Père des Eaux", du "boulevard des Amériques", ce fleuve long de 4 900 kilomètres est en 1802 occupée par la France et les fermiers américains ne peuvent expédier leurs marchandises se contentant de les voir pourrir sur pied. Jefferson souhaite, afin de s'assurer un débouché sur le golfe du Mexique, acquérir le port de La Nouvelle-Orléans, ville fondée par le Français Lemoyne de Bienville en 1717. Il écrit alors à son ambassadeur à Paris qu'une France qui ne veut pas céder cette ville aux Etats-Unis "fait acte d'hostilité contre nous (...) elle nous contraindra à faire alliance avec la flotte et la nation anglaises". S'allier à l'Angleterre contre la France, Jefferson ne le souhaite toutefois pas. L'Angleterre représente pour les Américains le risque d'une reconquête coloniale, la Royal Navy ne cessant de croiser dans le golfe prête à couler les navires français. [l'Angleterre cessera définitivement d'avoir des vues sur les Etats-Unis après sa défaite à la bataille de Chalmette au sud de La Nouvelle-Orléans en 1815.] Le ministre du Trésor-Public, François Barbé-Marbois défend, devant le Premier consul (à vie) la thèse qu'il faudrait céder toute la Louisiane pour continuer d'avoir de bonnes relations avec les Etats-Unis et ainsi empêcher l'Angleterre de s'installer sur ce vaste territoire qui s'étendait de La Nouvelle-Orléans au Canada. Bonaparte qui a besoin d'argent pour financer ses campagnes militaires en Europe est d'accord pour vendre la Louisiane aux Etats-Unis. En effet, en Méditerranée, Bonaparte est furieux contre l'Angleterre qui veut garder Malte et l'île de Lampedusa et qui exige que la France évacue la Hollande. Bonaparte convoque James Monroe (gouverneur de Virginie) et Robert Livingstone (ambassadeur des Etats-Unis à Paris) venus revendiquer la liberté pour les navires de commerce américains de pouvoir naviguer librement sur le Mississippi ainsi que l'achat de La Nouvelle-Orléans. Les deux émissaires sont surpris d'entendre Barbé-Marbois leur proposer d'acheter toute la Louisiane. Par cet achat signé en bonne et due forme le 30 avril 1803 au ministère du Trésor (hôtel Tubeuf, 8 rue des Petits-Champs, Paris 2è), le président Thomas Jefferson doublait la superficie de son pays : 2 millions de kilomètres carrés pour 15 millions de dollars ou 3 dollars l'hectare. L'Etat de Louisiane entrera dans l'Union en 1812.

 

Thomas Jefferson réélu en 1804 ne briguera pas un troisième mandat conformément à la règle non écrite de George Washington de se limiter à deux mandats. Jefferson quitte la Maison Blanche le 4 mars 1809. Retiré dans sa maison de Monticello dont il a dessiné les plans, il se consacre à ses affaires privées, s'intéresse à la musique, régale ses invités des meilleurs vins. L'écrivain John Dos Passos lui a consacré, en 1969, une biographie intitulée Thomas Jefferson, l'apprentissage d'un président. Jefferson décédera le 4 juillet 1826 à l'âge de 83 ans. 

 

Le 14 décembre prochain, les grands électeurs élus le 3 novembre, éliront le 46ème président des Etats-Unis. Si dès l'origine, la constitution a prévu l'élection d'un vice-président, il a fallu le 25ème amendement de 1967 pour que soient clarifiées les circonstances et les modalités de l'entrée en fonction du numéro 2 en tant que chef de l'Etat. Si un président élu perd la vie avant le vote des grands électeurs, le parti victorieux doit désigner un nouveau candidat à la présidence. Si le décès a lieu entre le vote des grands électeurs et l'Inauguration Day (le 20 janvier), le vice-président élu accède automatiquement à la fonction de président. 

  

 

Sources :

 

- Bonaparte par André Castelot (Librairie Académique Perrin, 1967)

- Dictionnaire historique des rues de Paris par Jacques Hillairet (Les Editions de Minuit, 1964)

- Introduction à l'architecture par Stephen Gardiner (Editions Aimery Somogy, 1984)

- Journal Le Monde daté du 24 octobre 1984

- Louisiane, terre d'aventure par Jean Mazel (Editions Robert Laffont, 1979)

 

                  

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15 novembre 2020 7 15 /11 /novembre /2020 14:32

 

Vendredi soir. Il fait bon à déambuler dans les rues. Première soirée d'un week-end qui s'annonce festif. Des chalands sortent des boutiques les mains chargées de paquets, des gens baguenaudent, des couples et amis prennent des consommations aux terrasses, tous les publics se bousculent devant le cinéma. Le soir tombe, la ville est animée , les réverbères teintent de halos colorés le bonheur des passants, les vitrines montrent ce qu'elles ont de plus beau. 

Vendredi soir. Le soir tombe. De rares passants marchent d'un pas pressé. La déambulation dans les rues est souffrance. Seuls quelques magasins sont ouverts, les commerces essentiels accueillent au compte-gouttes les clients ; les autres devant se taire. Je passe devant des rideaux de fer baissés, des boutiques plongées dans la pénombre, des terrasses silencieuses avec leurs chaises empilées.

Bars et restaurants : non-essentiels

Chausseurs : non-essentiels

Galeries d'art : non-essentielles

Horlogeries - bijouteries : non-essentielles

Librairies : non-essentielles

Magasins de jeux et de jouets : non-essentiels

Magasins de vêtements : non-essentiels

Maroquineries : non-essentielles

Salle de sports : non-essentielles

Si je comprends bien, je vis dans une ville dont le centre n'offre aux passants que des articles et des activités non-essentielles, des choses sans importance, du superflu, de l'inutile, du futile, du superfétatoire, des brimborions, des colifichets. Jeudi soir, il ne fallait se faire aucune illusion. Le ministre de la Santé n'aurait pas poussé un coup de gueule à l'Assemblée nationale huit jours plus tôt pour s'entendre annoncer de bonnes nouvelles huit jours après. Matignon  a annoncé que le confinement allait rester inchangé pendant 15 jours supplémentaires, que la réouverture des commerces non-essentiels pourrait être envisagée le 1er décembre - sauf pour les bars, restaurants et salles de sports -, que l'allègement du confinement pourrait être possible dès le 1er décembre si et seulement si les chiffres sont meilleurs. L'attestation de déplacement dérogatoire restera obligatoire après le 1er décembre. Cette attestation de déplacement dérogatoire, QCM illégitime et pourtant obligatoire, obligatoire parce qu'on doit la présenter partout et à toute heure, illégitime parce que, et cela ne vous a pas échappé, n'y figurent aucun des symboles de la République, ni République française, ni devise du pays, ni profil de Marianne. L'attestation de déplacement dérogatoire est un formulaire qui s'est lui-même délégitimé par ruse et échappatoire.

Ce reconfinement a des conséquences incompréhensibles que l'on voudra bien m'expliciter. Je cite ci-dessous des événements estampillés "Vu à la télé" selon l'expression consacrée :

- Une fleuriste qui a un étal dans un marché couvert et qu'elle doit laisser fermé alors que les commerces de bouche alentour peuvent servir la clientèle, porte des bouquets dans les commerces essentiels les plus proches afin de sauver un chiffre d'affaires bien mince.

- Pas d'éloignement à plus d'un kilomètre autour de chez soi alors qu'on nous montre un TER Montpellier-Narbonne bondé avec des voyageurs debout et serrés dans les deux voitures qui forment la rame.  

- Un supermarché qui a neutralisé ses rayons non-essentiels mais où l'on peut acheter une poêle mais pas d'assiettes. 

Et j'en passe...!

Non-essentiels disent-ils ! Les vêtements sont non-essentiels. Si nous marchions à poil dans les rues, dans quelle poche glisserions-nous l'attestation de déplacement dérogatoire ? Les restaurants sont non-essentiels. L'Etat est cependant content de percevoir la TVA de 10% sur les plats à emporter que proposent les restaurants non-essentiels qui ont le couteau sous la gorge. Pour deux menus à 25 euros, cela fait 4,55 euros à empocher. Et pendant ce temps, la culture est parent pauvre : la Nuit des musées annulée en mai et reportée en novembre a de nouveau été annulée pour hier soir. Heureusement il nous reste les pièces de théâtre à la tv comme au bon vieux temps de "Au théâtre ce soir". Mais est-ce un rôle de (dé)composition ?

 

                  

Place de la République, Perpignan confinement

Place de la République, Perpignan confinement

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12 novembre 2020 4 12 /11 /novembre /2020 12:53

 

Jefferson, Langeac et Frontignan 

 

Monticello en Virginie est une des nombreuses demeures qui s'inspirent de la Villa dite Rotunda de Palladio, bâtiment de style classique selon un plan cruciforme avec quatre façades et quatre portiques dominés par une coupole. Le style palladien à la mode au 18ème siècle s'exprime dans toute sa grâce à Chiswick (près de Londres) dans un bâtiment dont Lord Burlington a dirigé la construction à partir de 1725. Contrairement à la Villa Rotunda, Monticello a été conçue pour être une demeure fonctionnelle et l'architecte Thomas Jefferson a voulu pour ses villégiatures puis ses vieux jours une demeure adaptée aux besoins de la vie "moderne". Dans les années 1770, il imagine une villa sur le modèle de la croix grecque avec deux portiques, au départ simple maison de campagne sur une colline dominant la vallée alentour, maison à laquelle il apportera d'amples modifications vingt ans plus tard. Car, entre 1785 et 1789, le gouverneur de Virginie a quitté son pays pour la France où il a été nommé ambassadeur.

 

Ambassadeur des Etats-Unis en France, Thomas Jefferson s'est employé à développer les relations commerciales entre les deux pays et à améliorer l'image de l'Amérique auprès des élites françaises. Il fréquente les salons littéraires, rencontre entre autres Condorcet, d'Alembert et Buffon et, amoureux de la France dont il parle parfaitement la langue, il entreprend un périple dans le Midi, visite Avignon, Nîmes, Sète et Frontignan dont le Muscat ne le laisse pas indifférent, lui l'oenologue et l'amateur de bonne chère. A Paris, il réside dans l'hôtel de Langeac sis au coin du 92 Champs-Elysées et du 2 rue de Berri et construit là cinq ans avant l'arrivée de l'ambassadeur à Paris. Il ne reste rien, hormis une plaque rappelant le séjour de Jefferson à cet endroit, du dit hôtel qui a été démoli en 1842, puis remplacé par un autre hôtel lui-même abattu cinquante ans plus tard. Mais ce n'est pas l'architecture de l'hôtel de Langeac qui a inspiré les modifications apportées à Monticello mais celle de l'hôtel de Salm (rue de Lille, aujourd'hui palais et musée de la Légion d'honneur) qui avec sa porte en arc de triomphe, sa colonnade aux chapiteaux ioniques, son portique et surtout sa coupole dominant la Seine, a fait de Monticello la demeure qu'elle est et qui se visite de nos jours. Rappelé en Amérique en mars 1790, Jefferson est nommé secrétaire d'Etat dans la première administration Washington. Dès 1795, le plan de Monticello est remanié. Est ajoutée la fameuse coupole tandis qu'on agrandit le bâtiment sur ses côtés sud et nord. On fait en sorte que le hall central et les corridors donnent accès à toutes les pièces et l'aile sud est agrandie pour accueillir la chambre à coucher de Jefferson, sa bibliothèque et une loggia. Les travaux d'embellissement durent jusqu'en 1808, date de fin du second mandat de Jefferson à la Maison Blanche. 

 

A suivre...

 

   

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10 novembre 2020 2 10 /11 /novembre /2020 08:43

 

 

 

"S'il est encore chimérique à 20 ans, de croire que l'on se connaît bien, il est dangereux, à 60 ans, de chercher à bien se connaître." Gide

 

 

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