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18 février 2019 1 18 /02 /février /2019 10:29
Rue Ronsard, Perpignan

Rue Ronsard, Perpignan

Nous suivons maintenant le guide en direction du boulevard Clemenceau. Ce que le guide - lorsqu'il nous parlait de la démolition des remparts au début du 20ème siècle - a dit sans toutefois nous y emmener parce que deux heures à se promener tout en s'instruisant, ça passe très ou trop vite - c'est que des restes de murailles sont encore visibles le long des rues Ronsard et Montaigne. Il ajouta : "Cette partie des remparts a été épargnée lors de la démolition de 1904 car elle soutenait les terrains de la colline de Saint-Jacques. Elle servit par la suite, côté rue Ronsard, de soubassement aux maisons construites côté rue Rabelais (voir photo ci-dessus). Si vous vous engagez un peu plus loin dans la rue Charles Perrault (de l'Académie française, auteur de contes comme Le Chat botté et d'essais comme L'Apologie des femmes) qui est une impasse étroite bordée de petites maisons basses, vous longerez des remparts édifiés vers l'an 1300 avec des galets provenant de la Têt." (photo ci-dessous) Avec des photos, c'est toujours plus simple me direz-vous ; quoi que !

 

Nous traversons à présent la place de la Victoire en n'omettant pas de regarder, même furtivement, l'immeuble édifié en 1908 au bas duquel était, il y a quelques années encore, le magasin de vêtements sur mesure pour hommes "Au Derby" (Maison Créange) remplacé récemment par une enseigne de produits bio. Après avoir franchi le pont à dos-d'âne, nous nous arrêtons devant l'immeuble des Galeries Lafayette. En 1914, c'était Le Grand Bazar, bâtiment construit en 1910.  La porte Magenta sous laquelle il fallait passer pour accéder au quai Vauban a disparu en 1905 tout comme le pont fortifié du Castillet sur la Basse qui fut remplacé par le pont actuel cinq ans plus tard. Nous nous engageons maintenant sur le boulevard Clemenceau en direction de la place de Catalogne. Le boulevard Clemenceau qui avant la Première guerre mondiale s'appelait boulevard du Canigou a été ouvert dans les années 1907-1910. A sa droite, se dressaient les arbres du parc de la Pépinière, qui s'étendait de l'actuelle avenue de Grande-Bretagne (Hôtel de Police) à l'Espace Méditerranée (Théâtre de l'Archipel). D'ailleurs, l'avenue qui longeait le marché de gros et l'abattoir (rebaptisée après 1945 avenue du maréchal Leclerc) s'appelait avenue de la Pépinière (une plaque est encore visible à hauteur du n°12) et la rue Notre-Dame (perpendiculaire à l'avenue de la Pépinière) s'appelait évidemment rue de l'Abattoir.

 

Nous atteignons la place de Catalogne. Vaste, bruyante et peu arborée, cette place est bordée depuis 1907 par le bâtiment de l'architecte Georges Debrie, dit "Aux Dames de France", à l'époque magasin de confection pour dames. Il a été parmi les premiers bâtiments à être construits en lieu et place des remparts démolis, comme le fut aussi la maison Duffaut, actuel café de la Rotonde sur la place Jean Payra. Cette place s'appelait place de la Banque en 1914 parce qu'une succursale de la Banque de France construite par Claudius Trénet en 1879 s'y trouve encore. A la hauteur du café de la Rotonde, la porte de la République ouverte sous Napoléon III et démolie en 1905 reliait la ville au quartier de la gare. 

 

Après avoir franchi le pont qui relie la rue Sully au quai de Barcelone (appelé Pont de Guerre en 1914), la visite nous mène au coin de la rue des Jotglars et de la rue Foch (anciennement rue Saint-Martin). Là s'élevait la porte Saint-Martin passée elle aussi à la trappe au début du 20ème siècle. La proximité de ses vestiges, restée terrain militaire, sera transformée par quelques riverains en dépôt d'ordures et de détritus, ce que ne manquera pas de déplorer L'Indépendant dans son numéro daté du 20 septembre 1915. Près de la porte St-Martin, se trouvait la caserne éponyme construite au 17ème siècle et qui s'ordonnait autour d'une grande cour bordée sur trois niveaux de galeries à arcades. Cette caserne sera démolie au début des années 1970 pour la construction de l'Ecole Nationale de Musique, inaugurée le 23 octobre 1990 par le maire de Perpignan, Paul Alduy, en présence de son adjoint à la culture, le Docteur Bernard Nicolau et de la cantatrice espagnole Montserrat Caballé. Cette Ecole, après quelques mois d'une rénovation et d'une restructuration importantes, deviendra Conservatoire à Rayonnement Régional de Musique de Danse et d'Art dramatique le 6 octobre 2015. Quelques semaines après le décès de Monserrat Caballé, ce conservatoire a été baptisé du nom de la cantatrice le 11 janvier 2019. Rappelons que la diva est décédée à l'âge de 85 ans à l'hôpital de Sant Pau de Barcelone le 6 octobre 2018, après une carrière qui a débuté en 1962 au Liceo de Barcelone. Après son mariage en 1964 avec le ténor aragonais Bernabé Marti (avec qui elle aura deux enfants), elle remplacera au pied levé l'année suivante une soprano américaine au Carnagie Hall de New York dans Lucrèce Borgia de Donizetti. Ses obsèques ont été célébrées à Barcelone en présence de nombreuses personnalités officielles espagnoles ainsi qu'en présence notamment du ténor José Carreras, du chanteur italien Al Bano et de la soprano Ainhoa Arteta. Si vous trouvez que le guide a commis une digression, qu'il s'est trop éloigné de son sujet, c'est, qu'à mon avis, il doit trop lire Pronto (la revista mas vendida de España). De toute façon, comme l'heure tourne, il nous emmène maintenant vers le Palmarium devant lequel s'achèvera cette visite guidée. Le Palmarium, construit sur une plate-forme au-dessus de la Basse (la rivière) en 1907 était un café où se pressait le Tout-Perpignan. Il existe encore et deux restaurants y ont trouvé place.

    

N'avais-je pas dis que tout ceci risquerait d'être confus pour qui n'est jamais venu à Perpignan. J'espère toutefois que cette looooongue introduction vous donnera envie de lire la suite. Maintenant que le décor est planté, je parlerai au fil des chapitres suivants des événements qui ont marqué l'histoire de Perpignan entre 1914 et 1918. A suivre donc...     

Rue Charles Perrault

Rue Charles Perrault

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15 février 2019 5 15 /02 /février /2019 14:03

Mesdames et messieurs, voici que commence la visite du centre historique de Perpignan. Alphonse Daudet aurait pu dire : "Qui n'a pas vu Perpignan du temps de la Belle Epoque, n'a rien vu." Comme l'a écrit Albert Bausil en 1926 dans Le Coq Catalan : " Quels jolis contes de notre moulin vous auriez écrit, dans ce Roussillon où les agents de ville (...) n'ayant que des fleurs à garder, n'ont à dresser des procès-verbaux que contre les cueilleuses de mimosas !" Suivons si vous le voulez bien le guide qui nous a donné rendez-vous devant le Castillet côté place de Verdun. Le thème de cette série d'articles n'étant pas Perpignan au Moyen-Age ou sous la Renaissance, je ne m'étendrai pas sur l'historique de ce bâtiment emblématique - comme on dit souvent aujourd'hui - de Perpignan. Disons simplement que, comme le souligne le Guide Vert Michelin, "ses deux tours sont couronnées de créneaux et de mâchicoulis exceptionnellement hauts ; remarquer leurs fenêtres à grilles de fer forgé". (1) Disons aussi que pendant quelques années après la découverte du squelette d'un enfant dans un réduit dont la fenêtre était murée - cela devait être en 1948 ou 1949 -, on a cru que le fils du roi Louis XVI était mort là et non à la prison du Temple à Paris. Le guide nous fait maintenant passer sous la porte Notre-Dame (à droite de la photo ci-dessous) et nous emmène vers le boulevard Wilson en laissant sur notre gauche le pont à dos-d'âne qui datant du 16ème siècle en fait le plus vieux pont de Perpignan sur la Basse.

 

Baptisé du nom du 28ème président des Etats-Unis d'Amérique - Thomas Woodrow Wilson - après la Première guerre mondiale, ce boulevard s'appelait, en 1914, boulevard de la Méditerranée. Conçu comme une prestigieuse sortie vers la mer, il a été aménagé ainsi que les immeubles qui le bordent sur les terrains laissés vacants par la démolition des remparts au début du 20ème siècle. En juillet 1901, la Chambre des députés votait le déclassement des fortifications à l'exception de celle de la Citadelle (Palais des rois de Majorque). Quelques années plus tôt, on avait jugé qu'en raison du perfectionnement de l'armement, les remparts de Perpignan ne présentaient plus d'intérêt pour la défense de la ville. Il devenait alors possible de démolir le mur d'enceinte. Comme la municipalité ne possédait pas les sous pour financer cette démolition, elle fit appel à des promoteurs dont le plus célèbre se nomme Edmond Bartissol. Créateur de l'apéritif éponyme - si cette boisson était encore en vogue dans les années 1980, je me souviens que Pierre Bellemare en faisait la publicité sur Europe 1 dans une émission qu'il animait, il y a cependant bien longtemps que je n'ai vu de bouteilles de Bartissol chez les cavistes -, donc disais-je, Edmond Bartissol, créateur d'une boisson alcoolisée (aujourd'hui on doit ajouter qu'il faut la consommer avec modération !), mais aussi ingénieur des travaux publics qui participa notamment au percement du canal de Suez, à la construction de lignes ferroviaires en Espagne et au Portugal, il fut député des Pyrénées-Orientales de 1889 à 1893 puis de 1902 à 1910, et pour finir cette courte biographie, maire de Fleury-Mérogis dans le département de la Seine-et-Oise. Edmond Bartissol (décédé le 16 août 1916 à Paris) a largement contribué à l'aménagement du boulevard de la Méditerranée dont une rue perpendiculaire porte le nom. Au cours de la législature 1902-1906, il s'est surtout occupé des problèmes viticoles, a déposé une proposition de loi sur la répression des fraudes et une autre pour la construction d'un canal de dérivation de la Seine à Paris.

 

Parmi les immeubles construits dès que les remparts furent démolis, on peut citer la maison de l'Américaine (1909) sur les plans de l'architecte Claudius Trenet qui n'était autre que le grand-père de Charles, le "fou chantant", édifiée pour la riche veuve d'un sud-américain, le Cinéma-Castillet imaginé par Joan Font, de l'architecte Edmond Montès (1911) avec en façade des sculptures de Alexandre Guénot et un immeuble au n° 7 par Henry Sicart qui date de 1912. A côté du cinéma, Font fit ouvrir un café et un salon de patinage dont le souvenir ("Skating") est encore visible sur le globe au sommet du bâtiment. D'autres constructions suivront et le boulevard ne sera achevé - malgré quelques modifications à la fin du 20ème siècle - que dans l'entre-deux-guerres.

    

En face du boulevard de la Méditerranée, s'étend la promenade des Platanes aménagée hors les murs en 1808 et prolongée par un jardin public dans les années 1870, qui devint vite le lieu de déambulation favori des Perpignanais : Expositions, fête foraine de la Saint-Martin, carnaval, concerts, spectacles circassiens y avaient lieu. Au bout de la promenade, se dressait le monument aux morts de la guerre de 1870, monument qui sera expédié cinq cents mètres plus loin lors de la construction du palais des congrès dans les années 1970.

"Aux Monument des Morts qu'on appelait Mobiles

Assassinés pour rien sous Napoléon III,

On déchiffrait des noms mais c'était difficile

Et, debout sur le mur, on dominait les bois." (2)

Le Café du Square, joli petit édicule édifié en 1911 - qui se trouvait au coin de la rue Delcros et du boulevard Wilson - où venaient se désaltérer de nombreux promeneurs du dimanche, sera démoli en 1919.

 

Le guide nous emmène maintenant vers le boulevard Clemenceau via le pont à dos-d'âne. Nous le suivons pas à pas...

            

(1) Le Guide Vert, Languedoc Roussillon Gorges du Tarn Cévennes (Michelin Editions des Voyages, 2001)

(2) Extrait du poème L'Enfance de Bernard Dimey (Christian Pirot, 1991)

Le Castillet (14ème siècle), côté place de Verdun, Perpignan

Le Castillet (14ème siècle), côté place de Verdun, Perpignan

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11 février 2019 1 11 /02 /février /2019 12:19

La ville de Perpignan était encore ceinte de remparts au début du 20ème siècle. Ce n'est désormais plus le cas. Les touristes qui viendraient à Perpignan avec l'espoir de visiter la Carcassonne du pays catalan, l'Avila de l'Occitanie ou l'Aigues-Mortes de la Catalogne-Nord, seraient déçus. Seul restent debout le Castillet avec sa Porte Notre-Dame (privée de son pont-levis) et quelques vestiges des remparts Saint-Jacques le long de la rue Ronsard et de la rue Montaigne.

 

Le plan-relief (photo ci-dessous) que l'on peut voir dans la Casa Xanxo - peut-être la plus vieille demeure de Perpignan puisqu'elle a été construite dans la première moitié du 16ème siècle -, qui représente Perpignan en 1686 montre bien le Castillet (en bas à droite) prolongé par de hauts murs de temps à autre percés de portes. Au centre, se dresse la cathédrale Saint-Jean ; à gauche, on voit le couvent des dominicains et celui des Grands Carmes. En haut du plan-relief, le Palais des Rois de Majorque construit à partir du 13ème siècle, domine la cité.  Ce plan-relief montre bien les différentes composantes des fortifications : courtine, demi-lune, escarpe, contrescarpe, glacis, peut-être même cornichon. La rue où je fis le service militaire dans une caserne de Landau in der Pfalz (Rhénanie-Palatinat) s'appelait Cornichonstrasse. Ce mot "cornichon" m'avait toujours intrigué. Et voilà que, des années après, je le retrouvais écrit sur un plan du fort Lagarde à Prats-de-Mollo à une soixantaine de kilomètres de Perpignan : cornichon de droite, cornichon de gauche (N'y voyez aucune allusion politique !). S'il n'y a pas de rue Cornichon à Perpignan, il y a une rue du Glacis près de la Citadelle, comme il y a une rue des Glacis à Collioure, un glacis étant une zone en pente douce entourant une forteresse. Landau a aussi sa Glacisstrasse puisque la ville a été fortifiée par Sébastien Vauban. En France, des plans-reliefs, il y en a dans deux grands musées : à l'Hôtel des Invalides à Paris et au Palais des Beaux-Arts de Lille. Heureusement que Perpignan possède le sien. En le regardant, on s'imagine être au 17ème siècle, au siècle de Louis XIV, quand Vauban protégeait la France - jusque dans l'actuelle Belgique et même dans le Palatinat - par des constructions massives souvent intactes encore de nos jours.

 

En 1900, Les portes qui permettaient de pénétrer dans la ville n'étaient pas toutes médiévales. Certaines avaient été percées dans le courant du 19ème siècle pour permettre aux habitants qui vivaient à l'intérieur des remparts de ne pas à avoir trop à marcher pour aller hors les murs. C'était le cas de la porte de la République et de la porte Saint-Dominique. En 2019, sans ces murailles, il est maintenant possible de sortir du centre ancien sans avoir à passer de portes. C'est plus simple et plus rapide qu'en 1900.

 

Perpignan, enserré dans ses murailles, s'est libéré par lui-même... ou presque. En 1860, sous le Second Empire, l'entrée de la préfecture qui se faisait côté intérieur est aménagée côté Basse (la rivière) grâce à la démolition de la courtine médiévale qui reliait le Castillet à l'actuelle place Arago. La préfecture, celle-là même qui a été saccagée et incendiée lors de la révolte viticole de 1907. Le 20 juin 1907, lendemain du jour où à Narbonne une manifestation avait fait cinq morts, environ deux mille manifestants se dirigent vers la préfecture, enfoncent ses portes, s'y introduisent et y mettent le feu. Il est vrai que le préfet n'était pas aimé après avoir voulu paraphraser Marie-Antoinette et son "si vous n'avez pas de pain, mangez de la brioche" par un "arrachez les vignes et plantez à la place des pins et des amandiers" aux vignerons venus se plaindre à lui de la mévente de leur production. Le préfet aura la vie sauve en se réfugiant sur le toit du bâtiment, un endroit où les vignerons n'auront pas idée d'aller le déloger.

  

C'est à partir de 1904 que la physionomie de la ville va radicalement changer avec la démolition des remparts nord. Pour celles et ceux qui ne sont jamais venus à Perpignan, ce que je raconterai dans le chapitre suivant vous paraîtra être du charabia. J'espère cependant que je serai assez clair dans mes explications pour que vous ne quittiez pas ce blog avec fracas. Parce que la démolition des remparts va faire du bruit !...    

Perpignan en 1686

Perpignan en 1686

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4 février 2019 1 04 /02 /février /2019 15:32

                                                                      Choses vues et lues 

                                                                                 ESSAI

 

 

 

 

 

"La vérité est trop nue ; elle n'excite pas les hommes." Jean Cocteau

 

 

Têt. Quel drôle de nom pour un fleuve ! Avoir la Têt aux pieds ; avoir la Têt dans les nuages ; avoir la Têt ailleurs ; faire les choses sur un coup de Têt... Voilà quelques expressions qui siéent bien à notre fleuve côtier, je dis notre car en s'intéressant à lui, il nous appartient déjà un peu. Fleuve côtier disais-je ! Pourquoi côtier ?  Un fleuve se jette toujours dans la mer ; sinon, c'est une rivière, n'est-ce pas ? La mer, en l'occurrence, est la mer Méditerranée, le milieu ou centre de la Terre, la Mare Nostrum de l'Antiquité. Notre mer. Et notre fleuve - côtier - se trouve lui aussi au milieu, au centre des Pyrénées-Orientales parce qu'il coule entre l'Agly, au nord, et le Tech, au sud. La Têt a été tour à tour espagnole, puis française sous le règne de Louis XI, puis de nouveau espagnole avant d'être définitivement (?) - j'écris définitivement suivi d'un point d'interrogation parce qu'un traité n'est jamais définitif, n'est-ce pas Versailles ? - avant d'être disais-je, française depuis 1659, année de la signature du traité des Pyrénées par lequel l'Espagne a dû céder bon gré mal gré à la France de Louis XIV, le Roussillon, mais aussi une partie de la Cerdagne, le Capcir, le Conflent, le Vallespir. L'Espagne a dit au revoir à la Têt. Mais comment s'appelait la Têt quand le Roussillon était espagnol ? Peut-être "el cap" (la tête) ? Non, bien sûr, pas "el cap" sinon "al capdavant" (en tête) car la Têt est le premier fleuve de Catalogne Nord - comme on dit communément - par sa longueur : 120 kilomètres. La Têt n'est pas un fleuve navigable. Aucun fleuve d'Espagne ne l'est. Française, la Têt ne l'est pas davantage.

 

La Têt prend sa source au pied du pic Carlit, point culminant du département des Pyrénées-Orientales avec ses 2 921 mètres. Après avoir traversé la forêt de Barrès, elle passe en contrebas de Mont-Louis, place fortifiée par Sébastien Vauban, puis filant en direction du nord-est arrive à Villefranche-de-Conflent où elle reçoit les eaux du Cady. Le Cady pourrait passer pour une rivière tranquille, calme, placide, presque pour un ruisseau insignifiant. Il n'en a pas toujours été ainsi. Le Cady peut se faire impétueux, sauvage, dévastateur. En octobre 1940, le Cady, dans sa folie, a emporté sur son passage les thermes de Vernet-les-Bains ainsi que l'hôtel Ibrahim Pacha, l'hôtel de la Préfecture, l'hôtel du Parc. L'hôtel du Portugal, de l'architecte danois Viggo Dorph-Petersen construit en 1882 a heureusement été épargné. Villefranche-de-Conflent, place fortifiée elle aussi, dominée par le fort Libéria, a été choisie par le réalisateur André Hunebelle pour le tournage en 1960 de son film Le Bossu. Puis la Têt traverse Prades, ville où le violoncelliste Pablo Casals a créé un festival de musique célèbre dans le monde entier et où l'écrivain américain Thomas Merton a vu le jour en 1915. Le chemin vers Perpignan est encore long - quarante kilomètres -, mais notre fleuve reçoit pour l'aider à s'hydrater de nombreux affluents. Notons qu'en consultant Le Robert des noms propres, on apprend que le débit moyen de la Têt est de 18 m3/seconde et que son débit maximal peut atteindre 2 000 m3/seconde. Nous verrons plus loin que la gentille Têt fait parfois sa mauvaise Têt et que les inondations n'ont pas épargné le Roussillon à travers les siècles. Après tout ce chemin, la Têt traverse enfin Perpignan. A Perpignan en 1914, la Têt ne coulait que sous un seul pont : le pont de pierre, appelé dorénavant pont Joffre, dont l'origine remonte à la fin du 12ème siècle. C'est à Perpignan que la Têt reçoit la Basse - qui traverse le centre ville, la Têt ne traversant que les faubourgs - dont les berges toujours bien fleuries sont un lieu agréable de promenade. La Têt se jette plus loin dans la mer entre Canet-Plage et Sainte-Marie-Plage. Vous comprendrez qu'avec de tels noms, ces lieux sont dorénavant des destinations de tourisme et de loisirs.

En 1914, la préfecture (ou chef-lieu, ou capitale, comme il vous plaira de la nommer) du département des Pyrénées-Orientales compte environ 40 000 habitants. Son maire, élu lors des élections municipales de 1912, s'appelle Joseph Denis. Après avoir été une ville de monastères et de couvents, c'est à présent une ville de garnison, les militaires ayant pris possession des dits couvents et monastères pour installer à la place des chambrées, des ordinaires, des mess, des armureries, des places d'armes, etc. L'arrivée du chemin de fer à Perpignan en 1858 (ligne réalisée par la Compagnie du Midi) et la prolongation du réseau vers Port-Vendres (1867), Prades (1877), Villefranche-de-Conflent (1895), Arles-sur-Tech (1898), mais aussi avec la relation Nord-Sud avec en 1878 l'inauguration à Port-Bou d'une ligne vers Barcelone qui joint de ce côté des Pyrénées la France à l'Espagne, ont fait se développer une ville encore enserrée dans ses murailles à la fin du 19ème siècle, une ville qui ne demandait qu'à prendre le large pour se poser - ou s'imposer - comme l'une des grandes villes - en Têt donc - du Languedoc-Roussillon. L'arrivée du chemin de fer fera se développer le commerce du vin et faire apparaître des courtiers, des négociants, des charretiers, des tonneliers, bref des professions gravitant autour du métier de la viticulture. La population de Perpignan augmentera dès ce moment. Perpignan se fera ville ouverte sur la modernité. Je ne sais plus quel écrivain a écrit que Perpignan, ville espagnole jusqu'à la fin du 19ème siècle, est devenue ville française au début du siècle suivant. La frontière entre la France et l'Espagne, après bien des vicissitudes, a laissé sa trace et les villes de part et d'autre de cette ligne visible et plus du tout imaginaire ont connu des tropismes différents, Figueres se tournant vers Barcelone, Perpignan vers Paris. La Têt quant à elle continue de couler, emmenant les souvenirs qu'elle va nous confier au fil des chapitres à venir. A la Belle Epoque, ses bords étaient blancs, non qu'ils fussent enneigés, sinon recouverts des draps épais, brodés aux initiales des époux, qui séchaient au soleil. A chaque coin, une pierre tenait le linge en respect face au vent qui aurait pu tout emporter. En 1914, ce n'est pas la tramontane qui emportera le monde de la Belle Epoque mais la folie des hommes et des armes. La Têt ne connait plus de lavandières. Même les lavoirs sont désertés. La Têt coule désormais pour elle seule. Sans idée précise en tête.                  

La Têt à Villefranche-de-Conflent (Pyrénées-Orientales)

La Têt à Villefranche-de-Conflent (Pyrénées-Orientales)

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2 février 2019 6 02 /02 /février /2019 14:02

A partir d'aujourd'hui et ce jusqu'au 12 mai 2019, le musée d'Art Hyacinthe Rigaud de Perpignan expose Antoni Clavé dans une rétrospective intitulée "Clavé sur le front de l'art" qui présente soixante-dix ans de création depuis ses affiches de cinéma des années 1930 jusqu'à ses grands formats du début des années 2000. 

Antoni Clavé est d'abord peintre en bâtiment avant d'étudier au début des années 1930 à l'école des beaux-arts de sa ville natale, Barcelone. En 1934, après l'obtention d'un prix lors d'un concours, il abandonne son premier métier pour se consacrer à la création d'affiches pour les cinémas de Barcelone. A partir de juillet 1936, il prend part activement dans la guerre civile aux côtés des républicains. La chute de Barcelone en février 1939 l'oblige à se réfugier en France. Interné à Prats-de-Mollo puis à Perpignan, Clavé dessine ses compagnons d'infortune et ses gardes tirailleurs sénégalais. Le peintre Martin Vivès (qui deviendra quelques années plus tard le conservateur du musée de Perpignan) remarque son talent et le fait libérer. Clavé s'installe à Paris en 1939, où "il s'imprègne alors de Rouault, Vuillard et Bonnard, et travaille comme illustrateur et décorateur de théâtre, en collaborant notamment avec le chorégraphe Roland Petit, de 1949 à 1955". (*) En 1965, il quitte Montparnasse pour la Côte d'Azur et développe une technique toute personnelle : la peinture de papiers froissés en trompe-l'oeil. En souvenir de sa rencontre avec Picasso rue des Grands-Augustins à Paris au début de la Deuxième guerre mondiale, il réalise en 1984-85 un ensemble d'oeuvres en hommage "à Don Pablo" : femmes, faunes, guerriers, références à l'antique, et assemblages sont autant de témoignages de Clavé à son mentor et ami. A partir de 1979, il réalise un série de gravures représentant d'improbables instruments de musique. 

En 1978, le musée d'Art moderne de la Ville de Paris lui consacre une grande exposition. "Il est permis d'espérer qu'une prochaine rétrospective permette de reprendre la mesure d'une oeuvre trop peu vue dans son ensemble." (*) Voeu exaucé avec celle du musée Hyacinthe Rigaud qui présente des oeuvres provenant du Centre Georges Pompidou et de collections particulières.    

(*) Extrait de l'article signé par Harry Bellet dans le journal Le Monde daté du 3 septembre 2005 annonçant le décès d'Antoni Clavé.  

 

Musée d'Art Hyacinthe Rigaud, 21 rue Mailly (Perpignan)

Musée d'Art Hyacinthe Rigaud, 21 rue Mailly (Perpignan)

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25 janvier 2019 5 25 /01 /janvier /2019 15:15

L'église Saint-Pierre de Figueras a une histoire millénaire, son existence ayant été mentionnée dès l'an 1020. En 1346 est entreprise la construction de ce qui est aujourd'hui la nef gothique (terminée au 16ème siècle). Lors de la guerre civile (1936-1939), l'église est incendiée et le transept détruit. Il est reconstruit en 1940 dans le style gothique de la nef. C'est dans cette église que le roi d'Espagne Philippe V a épousé la princesse Marie-Louise de Savoie en 1707. C'est aussi dans cette église que fut baptisé le petit Salvador Dali le 20 mai 1904.

A côté de l'église Saint-Pierre, sur la place Gala et Salvador Dali, deux statues identiques (ou presque) du peintre pompier Ernest Meissonier - natif de Lyon -, que Dali idolâtrait, sont perchées sur des piédestaux formés par d'énormes pneus empilés. Tout près s'élève la façade de l'ancien théâtre municipal transformé en Teatro-Museo Dali. Souhaité par le maire de Figueras de l'époque, Ramon Guardiola Rovira (décédé en 1991) "et par les autorités catalanes de la Généralité, convaincues que le musée Dali fera à la province de Gérone une publicité inespérée dans le désert de son contexte culturel" (1), il est inauguré en septembre 1974. Un panneau explicatif  tout proche de là raconte que Salvador Dali avec ténacité et faisant valoir son prestige, émit l'idée de faire de cet espace ruiné par la guerre civile, "son" musée. Il fut d'abord envisagé de créer une salle Dali dans le musée de l'Empordà situé sur la Rambla. Mais Dali répondit :"Pas une salle, mais un musée Dali à Figueras". Depuis son inauguration, c'est un des musées de Catalogne qui reçoit le plus de visiteurs et la place Gala i Salvador Dali est l'une des plus photographiées de Figueras. Il est nécessaire de passer un moment pour apprécier la façade du musée et tous les détails daliniens visibles sur la place, notamment une statue en hommage à Ramon LLull, poète et philosophe catalan du 13ème siècle. "Extérieurement, il garde la façade, construite vers 1840, dans un style néopalladien." (1) Théâtre-Musée car c'est un théâtre avant que d'être un musée.  

Le "divin Dali", "c'est l'un des plus grands écrivains actuels de l'Espagne qui m'a surnommé ainsi. Il dit qu'il faut comparer Dali à Raimond Lulle, et il ajoute que j'en suis l'incarnation". (2)

En décembre 1979, le Centre Georges Pompidou de Paris lui organise une rétrospective. Selon son secrétaire, le capitaine Peter Moore, Dali et Gala étaient présents à l'inauguration. Selon Dominique Bona, Dali n'y était pas, craignant un mouvement social d'hostilité parmi le personnel du musée dû aux positions profranquistes du peintre. Présent ou absent, absent ou présent, nouveau coup de génie de l'artiste !         

Salvador Dali, génial peintre de génie, le "divin Dali", est décédé il y a 30 ans, le 23 janvier 1989. L'éloge funèbre fut prononcé en l'église Saint-Pierre de Figueras en présence de nombreuses personnalités dont Jorge Semprun alors ministre espagnol de la Culture.

Dali se disait "monarchiste dans le sens le plus absolu du mot. En même temps, je suis anarchiste ; l'anarchie et la monarchie sont à l'opposé et elles vont de pair, car toutes deux visent au pouvoir absolu. (...) Le régime du Général de Gaulle est un régime transitoire vers la monarchie. Cette monarchie sera d'abord rétablie en Espagne, le jour où le Général Franco décide." (2) Hasard du calendrier, une semaine après le décès de Salvador Dali, le duc de Cadix Alphonse de Bourbon-Dampierre, cousin germain du roi Juan Carlos et prétendant au trône de France, se tuait sur une piste de ski dans le Colorado (Etats-Unis) dans des circonstances restées mystérieuses.    

(1) Gala par Dominique Bona de l'Académie française (Flammarion, 1995)

(2) Entretiens avec Salvador Dali par Alain Bosquet (Editions Pierre Belfond, 1966)

Statue de Salvador Dali à Cadaqués (Costa Brava)

Statue de Salvador Dali à Cadaqués (Costa Brava)

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4 décembre 2018 2 04 /12 /décembre /2018 15:31
Rénovations avant réouvertures à Céret et à Perpignan (Pyrénées-Orientales)

- Avant l'inauguration de deux expositions importantes qui auront lieu au Musée d'Art moderne de Céret (8 bd Maréchal Joffre) au cours du premier semestre de l'année 2019, les salles du dit musée seront fermées au public du 17 décembre 2018 au 1er avril 2019 pour des travaux sur le système de climatisation devenus indispensables pour la bonne conservation des oeuvres exposées. La boutique et l'accueil resteront ouverts jusqu'au 6 janvier 2019 pour permettre l'accès à la braderie de Noël au cours de laquelle de nombreux catalogues d'exposition, cartes postales, marque-pages, affiches et objets cadeaux à un prix imbattable y seront proposés.

La première exposition remarquable qui sera ouverte au public à partir du 2 avril 2019 sera consacrée au peintre Marc Chagall sous le titre "La couleur tombée du ciel". Après l'exposition qui a lieu en ce moment à l'Hôtel de Caumont à Aix-en-Provence sous le titre Chagall, "du noir et blanc à la couleur" (jusqu'au 24 mars 2019), celle de Céret présentera un ensemble de lithographies réalisées par Chagall en 1980 à la demande d'Aimé Maeght et exceptionnellement prêtées par le Musée national Marc Chagall de Nice. Cette exposition sera visible jusqu'au 26 mai 2019.

La seconde exposition sera consacrée au peintre André Masson (à partir du 22 juin 2019) sous le titre "André Masson, une mythologie de la nature et de l'être". Ce sera une exposition thématique consacrée au peintre originaire de l'Oise et décédé à Paris en 1987, qui a séjourné à Céret dans les années 1919/1920. Blessé pendant la Première Guerre mondiale, André Masson arrivera à Céret en compagnie de Maurice Loutreuil et y fera la connaissance de Soutine. Il y peindra plusieurs tableaux inspirés du cubisme cézannien, peintures dans une gamme de couleurs claires. Les lieux où l'artiste a vécu, les paysages qu'il a admirés, transfigurés, peuplés de mythes, seront à l'honneur jusqu'au 27 octobre 2019.

- La Ville de Perpignan ayant décidé de procéder à la rénovation totale de sa médiathèque de la rue Emile Zola - qui fêtera ses 30 ans d'existence en 2020 -, l'établissement fermera ses portes le 29 décembre 2018. Les travaux dureront jusqu'en novembre 2019. 

Durant le mois de janvier 2019, la médiathèque sera fermée au public afin de préparer son déménagement avant le début des travaux. Pendant cette période, l'emprunt de documents, les inscriptions et renouvellements d'inscription seront possibles dans les bibliothèques de quartier. Entre le 5 décembre 2018 et le 5 février 2019, la durée de prêt de documents sera étendue à 2 mois non renouvelables et le nombre de documents prêtés sera augmentée :

15 livres (au lieu de 8 actuellement)

8 revues (au lieu de 4)

8 CD (au lieu de 4)

5 DVD (au lieu de 3)         

A partir du 5 février 2019, la médiathèque temporaire sera installée dans le Centre d'Art Walter Benjamin (place du Pont d'En Vestit).

Les horaires resteront inchangés :

mardi, mercredi, vendredi et samedi : de 10 heures à 18 heures;

jeudi : de 13 heures à 18 heures. 

Rénovations avant réouvertures à Céret et à Perpignan (Pyrénées-Orientales)
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15 novembre 2018 4 15 /11 /novembre /2018 15:44

Jusqu'au 18 novembre 2018 est proposée, au Museu d'Historia de Catalunya (Barcelone), une exposition intitulée Flames a la frontera (Flammes à la frontière) qui retrace l'histoire de la Première Guerre mondiale et ses conséquences en Catalogne : "La Grande Guerre modifia le continent européen et une grande partie du monde. Elle débuta en août 1914 et faucha la vie de plus de huit millions de soldats et un nombre important de civils. La forte sympathie des Catalans pour les Alliés se manifesta par l'engagement de volontaires dans la Légion étrangère française, un geste qui atteignit en Catalogne un caractère mythique. Cette exposition détaille les principaux aspects de l'impact du conflit sur une Catalogne officiellement neutre et montre les mémoires plurielles de cette guerre qui ont perduré jusqu'à nos jours."

L'Espagne, secouée par une grave crise en 1917 (voir les articles de décembre 2017), est de nouveau en proie aux grèves durant l'été 1918. La révolution d'octobre 1917 en Russie est dans tous les esprits et les bolcheviks ont bien l'intention de l'exporter dans le monde entier. "En dehors de l'Allemagne, Lénine pense à un autre pays, l'Espagne. Là, ce sont les conditions de l'économie et de la société qui semblent prédisposer le pays à la subversion communiste. L'industrialisation est peu répandue mais là où elle existe, un fort noyau prolétarien est en place. (...) La paysannerie pauvre et sans terre forme la majeure partie de la population. Entraînée par un prolétariat rare mais concentré, elle peut contribuer au succès d'une révolution socialiste "à la russe". (1) 

La victoire des Alliés et l'armistice du 11 novembre 1918 sont accueillis, en Catalogne, par des manifestations de joie. Le journal L'Indépendant des Pyrénées-Orientales dans son numéro du lundi 11 novembre 1918 informe que "les municipalités de Palencia, Oviedo, Valence et de diverses autres villes espagnoles ont inscrit au procès verbal de leur séance l'expression de satisfaction causée par la victoire des Alliés. Les journaux alliadophiles annoncent les heureux événements actuels ; chaque victoire des Alliés, chaque événement en Allemagne qui précipite sa débâcle donne lieu à de chaleureuses démonstrations." (...) "On prête au chef des catalanistes, M. Cambo, l'intention de poser aux discussions aux Cortès la question de l'autonomie de la Catalogne. Dans le discours prononcé aux Cortès, Francesc Macià, député républicain catalan, a dit que la Catalogne voulait former une nation libre et indépendante afin que la nationalité catalane puisse faire partie de la Société Des Nations."

Le journal catalan ara a, dans son numéro du dimanche 11 novembre 2018 publié un large dossier sur "la fin de la guerre qui changea le monde". Un article - en page 9 - signé de Silvia Marimon intitulé "L'impacte de la Gran Guerra a Catalunya" [L'impact de la Grande Guerre en Catalogne] a rappelé que la fin du conflit a provoqué une crise économique et une riposte de la part du mouvement ouvrier. Voici la traduction - libre - en français de cet article effectuée par la rédaction de ce blog : "L'hiver 1919 à Barcelone s'est déroulé dans le froid et la faim. Il y avait un manque de produits alimentaires dont les prix avaient augmenté ainsi que ceux des loyers et les ouvriers et les femmes sortirent dans la rue pour manifester et prendre d'assaut les marchés en évitant les condamnations. Le 4 février 1919 commença une grève à la CANADENCA, entreprise qui produisait et fournissait 70% de l'électricité consommée en Catalogne. Le 26 février se joignirent à cette grève les travailleurs de toutes les compagnies d'électricité, de gaz et d'eau. Le 13 mars, l'état de guerre fut déclaré et le 25 mars Barcelone était occupée militairement. Même Cambo sortit le fusil sur le dos. Le patronat répondit par la répression et la violence s'installa dans les rues de Barcelone pendant quelques années. 

Une des conséquences de la Première Guerre mondiale en Catalogne fut économique : Pour les entreprises (surtout dans le textile), la guerre avait été une période faste avec d'importants bénéfices mais sans investissement dans l'amélioration des usines et dans le salaire des ouvriers. Entre 1919 et 1923, six mille usines disparaîtront, presque le nombre de celles qui avaient été créées durant le conflit faisant augmenter le chômage. "En bénéficieront seulement les secteurs privilégiés, mais le secteur agricole va beaucoup en pâtir parce qu'il ne pouvait exporter ; il y aura une inflation galopante et une crise financière", explique le philologue Francesc Montero, commissaire de l'exposition Flames a la frontera

Mais, malgré la force que vont prendre les protestations ouvrières en Catalogne, la révolution ne triomphera pas. "En Russie, l'armée était dans une situation très précaire et c'est la raison pour laquelle elle ne s'est pas rangée du côté du tsar. Par contre, en Espagne, Alphonse XIII contentera les militaires avec des hausses de soldes et ceux-ci répondront par la répression. Par exemple, en 1917, ils vont faire cesser les protestations ouvrières à Sabadell en déployant des canons", explique Joan Esculies, professeur d'histoire à la UOC. Ni les intellectuels divisés en alliadophiles et germanophiles, ni la population ne furent indifférents à la Première Guerre mondiale. Un musée de la Guerre sera même inauguré sur la colline du Tibidabo en 1916 - musée qui fermera en 1940 - où seront organisées visites scolaires et autres fêtes avec feux d'artifice.

Une autre conséquence sera la transformation du port de Barcelone et de ses alentours. "Arriveront beaucoup d'espions et de diplomates et autres multiples personnages très argentés qui voulaient se divertir et faire des affaires ; le Barrio Chino et le Paralelo connaîtront la splendeur", dit Montero.

La culture de masse va envahir la Catalogne. "Les lecteurs de journaux vont augmenter, tout friands de feuilletons humoristiques, même ceux qui s'adressaient aux enfants, détaille Montero. Les dessinateurs vont devenir populaires et célèbres" Cela va être le début de l'âge d'or des correspondants de guerre qui parlent de leur expérience, de leur témoignages oculaires, expliquer ce qu'ils ont vu. Gaziel, futur directeur de La Vanguardia, en sera dès le début et compilera les articles dans Diario de un estudiante en Paris. "Tous connaissaient Gaziel même les tailleurs", dit Montero. Frederic Pujula racontera son vécu comme soldat dans En el repos de la trinxera (Dans le repos de la tranchée) en 1918, et l'infirmière Angela Graupera se convertira en la première correspondante catalane de guerre.

Sur le conflit, persiste la thèse que des milliers de volontaires catalans ont pris part à la Première Guerre mondiale mais ils ne furent ni 12000, ni 15000, ni 20000 mais seulement entre 400 et 800. Ceci est le chiffre qu'indique l'exposition sur la Première Guerre mondiale que l'on peut voir au Museu d'Historia de Catalunya. " Il ya eu une exagération jointe à une propagande tenace parce que le mythe des 12000 volontaires perdure encore aujourd'hui, dit Esculies. Le catalanisme a utilisé ce mythe pour se différencier de l'Espagne, pour démontrer que la Catalogne était plus proche de l'Europe." Avec la victoire alliée, il y avait l'espoir que la monarchie tomberait et que la proclamation de la République permettrait la libération de la Catalogne.

Le 4 novembre 2016, le Conseiller d'alors pour les Affaires étrangères, Raul Romeva, est allé à Belloy-en-Santerre pour commémorer le centenaire de la bataille et rendre un hommage aux "volontaires catalans de la Légion étrangère" qui avaient luté "pour des principes et des valeurs universelles". "Cela s'est fixé dans la mémoire - se défend Montero - un souvenir qui ne correspond pas exactement à la réalité... " (2)

Dans le cadre des commémorations du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, l'Institut français de Barcelone (carrer de Moia, 8) proposera le lundi 19 novembre la projection du film de Bertrand Tavernier : Capitaine Conan (1995) et le lundi 26 novembre celle du film de Paul Cowan : Paris 1919, un traité pour la Paix (2008). Le Goethe Institut de Barcelone (carrer de Roger de Flor, 224) proposera le vendredi 30 novembre et le samedi 1er décembre la projection du film de Fassbinder : Berlin Alexanderplatz (1980). Renseignements sur www.institutfrancais.es/barcelona et www.goethe.de/barcelona

(1) Versailles, une paix bâclée ? par Michel Launay (Editions Complexe, 1981) 

(2) ara du 11 novembre 2018

   

Dans le quartier de Gràcia (Barcelone)

Dans le quartier de Gràcia (Barcelone)

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13 novembre 2018 2 13 /11 /novembre /2018 11:46

Alors que l'année 1917 avait été favorable aux Allemands*, l'année 1918 connut une crise dans les effectifs allemands et un essoufflement économique en Allemagne. Le manque de matières premières pour fabriquer de l'artillerie de bonne qualité entraîna pour ce pays une réduction des chances de gagner la guerre. De plus, la disette sévissait. Aussi des mutineries, des grèves et des manifestations éclatèrent un peu partout en Allemagne. Le 8 août 1918, Foch, élevé depuis la veille au grade de maréchal de France, déclencha en Picardie une offensive franco-britannique qui vit la victoire des Alliés. A Berlin, l'empereur d'Allemagne, Guillaume II, estima après cette bataille qu'il était temps de mettre fin à la guerre. Mais ce n'est que le 28 septembre - deux jours après la grande offensive des Alliés dans les régions de Cambrai, St-Quentin et Valenciennes - que Hindenburg et son adjoint le général Ludendorff prirent conscience du caractère irréversible d'une défaite pour leur pays et se décidèrent à demander un  armistice.

Pour la conclusion d'un armistice, les Allemands préfèrent s'adresser au président Wilson pour jouer le rôle d'arbitre dans l'établissement d'une paix juste, plutôt qu'aux Français et aux Anglais plus prompts à formuler à l'égard de l'Allemagne des exigences excessives. Dans la nuit du 3 au 4 octobre, une note allemande fut adressée à Wilson par l'intermédiaire de la Suisse : "Le gouvernement allemand prie le président des Etats-Unis d'Amérique de prendre en main le rétablissement de la paix, de donner connaissance à tous les Etats belligérants de cette demande et de les inviter à envoyer des plénipotentiaires pour engager les négociations. Il accepte comme base pour les négociations de paix le programme fixé par le président des Etats-Unis d'Amérique dans son message au Congrès du 8 janvier 1918 et dans ses déclarations ultérieures, en particulier dans son discours du 27 septembre. Pour éviter de prolonger l'effusion de sang, le gouvernement allemand demande la conclusion d'un armistice immédiat sur terre, sur mer et dans les airs."

Un échange de notes entre les Etats-Unis et l'Allemagne eut lieu durant tout le mois d'octobre. Dans une de ses notes, Wilson exigea des conditions telles qu'une reprise des hostilités par l'Allemagne était impossible et mit en question le maintien au pouvoir des maîtres de l'Allemagne posant ainsi le problème de l'avenir de la dynastie des Hohenzollern. Le contenu de la note surprit les Allemands mais ceux-ci n'avaient plus le choix, ils devaient obtenir rapidement la suspension des combats. 

Le 3 novembre 1918, l'empire austro-hongrois s'effondrait et le 9, l'empereur d'Allemagne abdiquait. L'Allemagne ne pouvait que signer l'armistice. L'armistice fut signé non loin de Rethondes dans la forêt de Compiègne le lundi 11 novembre 1918 à cinq heures du matin. Ses clauses portaient sur tous les fronts et déclaraient notamment :

- que les pays envahis (France, Alsace-Lorraine, Belgique, Luxembourg) devaient être évacués dans un délai de quinze jours à dater de la signature de l'armistice;

- que les armées allemandes devaient abandonner aux Alliés du matériel en bon état (5000 canons, 25000 mitrailleuses, 1700 avions de chasse et de bombardement), pour empêcher l'Allemagne de reprendre la guerre;

- que les régions situées sur la rive gauche du Rhin devaient être évacuées par les armées allemandes et que les Alliés assureraient l'occupation de ces régions par des garnisons tenant les principaux ponts de passage du Rhin (têtes de pont de Cologne, Coblence et Mayence);

- que les prisonniers de guerre devaient être rendus sans réciprocité;

- que les armées allemandes devaient évacuer les territoires qui, avant la guerre, faisait partie de l'Autriche-Hongrie, de la Roumanie et de la Turquie.

Sur la dernière page de la convention d'armistice on pouvait lire : "Le présent armistice a été signé le 11 novembre 1918 à 5 heures (cinq heures), heure française" et on pouvait voir sous cette phrase les signatures du maréchal Foch, de l'amiral britannique Wemyss, du ministre d'Etat allemand Erzberger et du général allemand von Winterfeld.

Comme l'exigeait l'article premier de la convention d'armistice, les hostilités cessèrent sur terre et dans les airs six heures après l'entrevue de Rethondes c'est-à-dire à onze heures du matin. A Paris, des coups de canon annoncèrent la fin de la guerre à onze heures très précises et la capitale vécut le début de la matinée de ce premier jour de paix dans un délire d'enthousiasme.

Alors que les Parisiens manifestaient leur joie, le président du Conseil Georges Clemenceau fit savoir à la presse qu'il ferait à 16 heures une déclaration à la tribune de la Chambre des députés. Cette nouvelle se répandit très vite et dès midi une foule nombreuse se dirigea vers le Palais Bourbon. Peu de personnes purent accéder aux tribunes réservées au public de la Chambre mais la foule y était malgré tout plus importante que d'habitude. Le président du Conseil monta à la tribune sous les acclamations des députés et prononça ce discours : "Messieurs, il n'y a qu'une manière de reconnaître de tels hommages, venant des Assemblées du peuple, si exagérés qu'ils puissent être, c'est de nous faire tous, les une et les autres, à cette heure, la promesse de toujours travailler, de toutes les forces de notre coeur, au bien  public. Je vais maintenant vous donner connaissance de l'armistice qui a été signé ce matin à cinq heures par le maréchal Foch, l'amiral Wemyss et les plénipotentiaires allemands." Clemenceau donna lecture aux députés des différentes clauses de l'armistice. Il va sans dire que les clauses qui concernaient l'Alsace-Lorraine, les têtes de pont sur le Rhin, les réparations des dommages, le retour immédiat des prisonniers, la remise des canons furent soulignées par des applaudissements nourris. "Messieurs, je cherche vainement ce qu'en une pareille heure, après cette lecture devant la Chambre des représentants français, je pourrais ajouter. Je vous dirai seulement que dans un document allemand, donc par conséquent je n'ai pas à donner lecture à cette tribune et qui contient une protestation contre les rigueurs de l'armistice, les plénipotentiaires de l'Allemagne reconnaissent que la discussion a été conduite dans un grand esprit de conciliation. Pour moi, la convention d'armistice lue, il me semble qu'à cette heure, en cette heure terrible, grande et magnifique, mon devoir est accompli. Un mot seulement. Au nom du peuple français, au nom de la République française, j'envoie le salut de la France, une et indivisible à l'Alsace et la Lorraine retrouvées. Et puis, honneur à nos grands morts qui nous ont fait cette victoire. Par eux, nous pouvons dire qu'avant tout armistice, le France a été libérée par la puissance des armes. Quant aux vivants, vers qui, dès ce jour, nous tendons la main et que nous accueilleront quand ils passeront sur nos boulevards vers l'Arc de Triomphe, qu'ils soient salués d'avance ! Nous les attendons pour la grande oeuvre de reconstruction sociale. Grâce à eux, la France, hier soldat de Dieu, aujourd'hui soldat de l'humanité, sera toujours le soldat de l'Idéal."

Au soir du lundi 11 novembre 1918, on pouvait lire dans L'Intransigeant un article de son directeur Léon Bailby qui disait en substance : "Qu'on ne l'oublie pas : Notre victoire n'est due ni à une surprise, ni à une lassitude éphémère, ni même à la révolution allemande. Elle est le résultat exact, calculé, prévu, d'un effort militaire préparé par un grand capitaine, exécuté par des armées alliées incomparables. En fait, la guerre a été gagnée par nous, depuis le jour où Guillaume II se résolut, la rage au coeur, à solliciter notre armistice."  

* En France, l'échec de l'offensive pour la conquête du Chemin des Dames, la lassitude des fantassins qui voient mourir les leurs pour ne gagner que quelques centaines de mètres de terrain, le manque de confiance des soldats dans les états-majors, les campagnes pacifistes menées par des tracts comme le Bonnet Rouge provoquèrent des mutineries et le refus de régiments - 1/5 du total en réalité - de monter en ligne durant le mois de mai 1917.   

Pages 8 et 9 du journal catalan "ara" daté du dimanche 11 nov. 2018

Pages 8 et 9 du journal catalan "ara" daté du dimanche 11 nov. 2018

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5 novembre 2018 1 05 /11 /novembre /2018 10:23

Le Musée national d'art moderne (Centre Pompidou) de Paris propose jusqu'au 25 février 2019 une rétrospective intitulée "Le Cubisme", vaste vision d'ensemble de ce mouvement pictural entre 1907 et 1917. Il s'agit de la première exposition consacrée, en France, au Cubisme depuis 1953. Présentées chronologiquement, les quelques trois-cents oeuvres accrochées aux cimaises sont signées de Picasso, Braque, Delaunay, Léger, Picabia, Duchamp...

Au début de l'année 1910, Guillaume Apollinaire se voit confier la rubrique artistique du journal L'Intransigeant et a ainsi tout le loisir de visiter, pour ses lecteurs, les nombreux lieux de l'art moderne à Paris : salons, galeries, ateliers. L'heure est alors au Cubisme, style pictural dont le nom apparut après que Matisse eût vu, en 1908, un tableau représentant des maisons qui, selon lui, n'étaient que de petits cubes. On date ordinairement le début de ce style à 1907, au moment où Picasso achève dans son atelier du Bateau-Lavoir une toile de grand format qui s'intitulera plus tard Les Demoiselles d'Avignon* et où les visages des personnages à droite du tableau, largement inspirés par l'art africain, préfigurent le Cubisme. Alors que Picasso et Braque s'apprêtent à partir pour Céret (Pyrénées-Orientales) pour parfaire cette nouvelle esthétique, le Salon des Indépendants de 1911 réserve une salle aux peintres cubistes : Albert Gleizes, Jean Metzinger - qui écriront à quatre mains Du "Cubisme" l'année suivante -, Marie Laurencin (qui est la compagne de Guillaume Apollinaire depuis 1907), Robert Delaunay, Fernand Léger, exposent là dans un style qui "causa une profonde impression" (1) Le Cubisme, ce n'est pas que des cubes "géométriques" dessinés avec attention sur la toile comme a voulu le faire croire Rigadin dans un film burlesque en 1912, mais "ce qui différencie le Cubisme de l'ancienne peinture, c'est qu'il n'est pas un art d'imitation, mais un art de conception qui tend à s'élever jusqu'à la création". (1) Albert Gleizes expliquera plus tard que le Cubisme "est là une tentative de retrouver le sens de la "forme" qui avait été perdu par les impressionnistes et que cette tentative avait connu trois étapes : La première était fondée sur le volume - d'où le "cube" -, la deuxième sur une multiplicité de points de fuite - l'"image totale" - et la troisième sur l'affirmation de la nature réelle de la surface à recouvrir de peinture - la surface plane". (2) Le collage, qui constitue alors une véritable révolution picturale, fait aussi partie des tableaux cubistes - même si "cette technique laissera indifférents de nombreux cubistes (Léger et Delaunay...) -, car "il n'est plus besoin d'imiter la réalité mais de l'incorporer". (3) 

Le Salon d'automne de 1912 déclenche dans le monde politique et dans la presse une avalanche de protestations. Tout commence quand un conseiller municipal de Paris adresse une lettre au sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts par laquelle il demande à l'Etat de ne plus prêter le Grand Palais à ce Salon , "coupable d'exposer au public les "horreurs" cubistes". (4) L'hebdomadaire Le Rire dans son numéro du 26 octobre 1912, se fait l'écho de cette polémique qui va s'inviter jusque sur les bancs de l'Assemblée nationale. La requête du conseiller municipal est reprise par un député lors d'une interpellation au gouvernement le 3 décembre 1912. Marcel Sembat (député, amateur d'art et époux de la peintre Georgette Agutte) se charge de lui répondre "lors de cette prise de parole qui constitue l'un des sommets de sa carrière parlementaire". (4)

Guillaume Apollinaire lui aussi défend les peintres cubistes. "Dès lors, il défend avec acharnement le mouvement à travers une profusion d'articles entre 1910 et 1914, parus dans L'Intransigeant, Les Soirées de Paris, et Montjoie." (3) Dans Calligrammes, recueil de poèmes qui paraîtra en 1918, il écrit Les Fenêtres, texte qui fait référence aux oeuvres de Robert Delaunay : "La fenêtre s'ouvre comme une orange / Le beau fruit de la lumière." Des oeuvres de Delaunay, il en rassemble dans l'appartement du 202 boulevard Saint-Germain (Paris) où il emménage en janvier 1913, tout comme celles que Picasso, Braque, Dufy, Derain... offrent au poète. En 1914, il quitte Paris pour Nice puis pour Nîmes où il rejoint un régiment d'artillerie de campagne après avoir rencontré Louise de Coligny-Châtillon, surnommée Lou, avec qui il aura une correspondance fournie entre septembre 1914 et janvier 1916.

"Lettres! Envoie aussi des lettres, ma chérie

On aime en recevoir dans notre artillerie

Une par jour au moins, une au moins, je t'en prie." (Lettre à Lou du 4 fév. 1915)

En mars 1916, il est blessé par un éclat d'obus et est rapatrié sur Paris. A l'automne, il renoue peu à peu avec les milieux littéraires et fait paraître Le Poète assassiné, puis rédige un texte pour le programme du ballet Parade (créé au Théâtre du Châtelet en mai 1917) et fait jouer sa pièce Les Mamelles de Tirésias dans un théâtre de Montmartre. En mai 1917, il a la douleur de perdre un de ses amis les plus chers, René Dalize, mort au Champ d'Honneur. En mai 1918, il épouse Jacqueline Kolb dite Ruby. En juillet, il est témoin au mariage de Picasso. Affaibli par la grippe espagnole qui sévit depuis le début de l'année et par les séquelles de sa blessure, il tombe malade et s'éteint le samedi 9 novembre 1918 à cinq heures du matin, à son domicile du Bd St-Germain, veillé par ses amis, Cocteau, Picasso, Max Jacob et par Ruby. Il est inhumé quatre jours plus tard au cimetière du Père-Lachaise. 

"Si je mourrais là-bas sur le front de l'armée,

Tu pleurerais un jour, ô Lou, ma bien-aimée. 

Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt

Un obus éclatant sur le front de l'armée,

Un bel obus semblable aux mimosas en fleur." (Lettre à Lou, 30 janvier 1915)

Le conflit mondial mettra un terme au Cubisme. Beaucoup de peintres sont enrôlés ou vivent à l'étranger. Picasso, de nationalité espagnole, reste seul à Paris. Pendant la Première Guerre mondiale, "le cubisme est devenu alors le "kubisme" par référence à la marque des bouillons Kub dénoncée comme "boche", dont on va soupçonner les réclames de servir de points de repère à l'avancée des troupes du Kaiser ! (4) Marcel Sembat continuera de défendre les peintres cubistes, mais à titre privé. Le mouvement sera supplanté par d'autres styles artistiques, DADA puis le surréalisme.  

                         

* Ce tableau, dont le titre a été donné par André Salmon au grand dam de son auteur, a été montré pour la première fois au public en juillet 1916 à Paris lors d'une exposition "L'Art moderne en France" qui n'a pas eu, à cause de la guerre, le retentissement espéré. Acquis par Jacques Doucet dans les années 1920, il est exposé au Museum of Modern Art (MOMA) de New York.

(1) Les peintres cubistes par Guillaume Apollinaire (Eugène Figuière et Cie, 1913)     

(2) Extrait du catalogue de l'exposition "Albert Gleizes, le cubisme en majesté" présentée au Musée Picasso de Barcelone puis au Musée des Beaux-Arts de Lyon en 2001.

(3) l'ABCdaire du Cubisme (Flammarion, 2002)

(4) Extrait du catalogue de l'exposition "Entre Jaurès et Matisse Marcel Sembat et Georgette Agutte à la croisée des avant-gardes" aux Archives nationales (Paris), avril-juillet 2008.  

"Alors, t'as été Bd. St.-Germain, t'as vu ma maison ?" Lettre à Lou datée du 1er avril 1915

"Alors, t'as été Bd. St.-Germain, t'as vu ma maison ?" Lettre à Lou datée du 1er avril 1915

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