Le Monument aux morts de Perpignan qui s'élève sur l'esplanade des allées Maillol sera, après quelques semaines d'une restauration effectuée au cours de l'été dernier, inauguré le lundi 5 novembre 2018 à 11 heures 30. Il est l'oeuvre de l'artiste roussillonnais Gustave Violet.
En 1919, un comité chargé de lancer une souscription publique est créé en vue de la réalisation à Perpignan d'un monument en hommage aux morts de la Première Guerre mondiale. Plusieurs artistes proposent alors des projets et c'est Gustave Violet qui remporte le concours. Gustave Violet, né à Thuir (Pyrénées-Orientales) en 1873 est issu d'une famille de viticulteurs qui s'est enrichie grâce à l'invention du Byrrh. Jeune homme, il part pour Paris afin d'étudier l'architecture. Il rentre définitivement dans le Roussillon au début du 20ème siècle et s'installe à Prades dans une maison-atelier dont il a supervisé la construction : Saint-Martin. Ce lieu, qu'il dédie à la céramique et à la sculpture, va rapidement se convertir en un centre actif qui accueille de nombreux artistes roussillonnais et catalans. Son ami Miquel Utrillo (qui a créé, en 1897, avec Ramon Casas et Pere Romeu l'établissement "Els 4 Gats" à Barcelone) diffuse et promeut le savoir-faire de Violet à travers différentes expositions dont celle organisée à la Sala Parés en mai 1905 et celle - toujours à Barcelone - en mars 1914 où il fait l'acquisition de dix-huit oeuvres en terre cuite qui feront partie de la collection de Charles Deering à Maricel* (Sitges). La même année, Utrillo commande à Violet quatre médaillons en bronze à l'effigie de Santiago Rusiñol, Angel Guimerà, Ramon Casas et Charles Deering, destinés à orner la passerelle reliant deux bâtiments du Maricel à Sitges. Le conflit mondial qui éclatera quelques mois plus tard empêchera la réalisation de cette commande. Mobilisé, Gustave Violet rentre du front affaibli et meurtri par la mort de son ami l'écrivain Louis Codet (en 1914). Il quitte alors Prades pour Céret où il s'installe dans un nouvel atelier : Saint-Jean. Il y reçoit souvent la visite du sculpteur Manolo Hugué et celle du compositeur Déodat de Séverac (décédé en 1921). Lorsqu'il remporte le concours pour le monument aux morts de Perpignan, il reprend ses thèmes favoris pour les bas-reliefs et mosaïques a savoir les traditions locales incarnées par le berger, le pêcheur, la maraîchère.
Inauguré le 2 novembre 1924 par Victor Dalbiez alors ministre des Régions libérées (futur maire de Perpignan entre 1929 et 1935), le monument aux morts de Perpignan, monument départemental et non municipal qui fut d'abord dédié "Aux 8400 Roussillonnais morts pour la France" (inscription remplacée dans les années 1950 par "Aux morts pour la France"), se présente comme un retable avec sa prédelle avec trois statues qui personnifient le Pays catalan, sa partie médiane où les vivants pleurent les disparus et sa partie supérieure faisant l'apothéose du courage du "poilu". Une Victoire était prévue pour surmonter la partie centrale du monument qui culmine à 11 mètres de hauteur mais il semble que l'insuffisance des crédits alloués n'ait pas permis de réaliser cette statue. Ce monument comportait à l'origine de part et d'autre des grilles monumentales en fer forgé donnant accès au jardin public situé derrière lui qui ont été enlevées par la suite.
Gustave Violet en plus d'être un architecte et un sculpteur est aussi connu comme écrivain. En 1906, il participe à la création de la Société d'Etudes Catalanes avec les poètes Jean Amade et Josep Sebastià Pons. Considérant que la représentation de pièces en catalan pouvait être un plus pour la langue catalane, il met en scène avec une compagnie d'acteurs dirigée par Enric Borràs des pièces qu'il traduit lui-même comme l'Arlésienne d'Alphonse Daudet. Artiste discret, travaillant loin de l'agitation parisienne, il meurt pauvre à Perpignan en 1952.
D'autres oeuvres de Gustave Violet sont visibles à Perpignan comme la statue de la Tradition catalane dans le vestibule de la salle des mariages de la marie, la sculpture en pierre de Jean Jaurès près de la place de Catalogne, les ferronneries de la maison Escoffier (place Arago), les frises et les ferronneries de sa maison qu'il a conçue et décorée au 15 rue Sully (près de la place Jean Payra), ainsi que des sculptures et céramiques exposées au musée d'Art Hyacinthe Rigaud (rue Mailly).
Le monument renferme des cendres de déportés inconnus. L'écrivain Rudyard Kipling, journaliste au Daily Telegraph en 1915 et 1916, pressenti dès 1917 pour faire partie dans son pays de la Commission des Sépultures de guerre (il a souvent séjourné à Vernet-les-Bains dans les Pyrénées-Orientales avant le conflit mondial) et dont un fils est mort au combat en octobre 1915 dans la région de Loos, a contribué à faire retenir l'idée d'un monument au Soldat inconnu britannique, idée qui fut adoptée ultérieurement par les autres pays belligérants.
* Actuel musée de Maricel (inauguré en 1970), cette demeure a été construite à partir de 1911 par Miquel Utrillo pour le milliardaire américain Charles Deering à Sitges, station balnéaire au sud de Barcelone mise à la mode au début des années 1890 par le peintre catalan Santiago Rusiñol.